Une tribune publiée dans le précédent numéro considérait qu’il est « peu réaliste » d’appliquer le principe « argent public au service public » à propos de l’enseignement privé sous contrat. Elle remettait en cause la proposition du NPA d’arrêt immédiat par les conseils régionaux de toutes les subventions qui ne sont pas obligatoires, comme par exemple les dépenses d’investissement. C’est pourtant l’existence même de l’enseignement privé sous contrat qui organise la concurrence privé/public et contribue à la fragilisation de l’école publique. Et qui paye cela ? L’État lui-même ! Les établissements privés sous contrat sont financés à plus de 90 % par les collectivités publiques : ministère de l’Éducation nationale et mairies (écoles), départements (collèges) et régions (lycées). Il s’agit donc pour le NPA de faire entendre son opposition au véritable scandale que constitue le financement de l’enseignement privé sous contrat. Le privé est bien une école pour les riches, payée par les impôts de tous, la part des parents représentant moins de 10 % du coût réel. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : « L’enseignement privé sous contrat compte toujours davantage d’enfants de cadres supérieurs, professions libérales et chefs d’entreprise que l’enseignement public : 30,7 % contre 19,3 %. À l’inverse, les enfants d’ouvriers et de chômeurs y sont moins présents (22,3 %), que dans le public (38,7 %). »1 Refuser les cadeaux au privé ne signifie pas en rendre les personnels responsables. En fait, ils n’en bénéficient pas. Par exemple, en 2008-2009, le forfait d’externat, payé par l’État et les collectivités territoriales, a augmenté de 3,38 % sur l’année. 80 % de cette somme sont censés légalement être affectés au paiement des personnels de droit privé (direction non comprise). Ils se sont vu attribuer une augmentation de 0,3 % sur l’année revue à 0,9 % après négociation avec les syndicats ! Les conditions de travail des personnels et des enseignants sont nettement plus dégradées dans le privé que dans le public : salaires et retraites inférieurs, précarité beaucoup plus forte, temps de travail plus important, plus de pression de la hiérarchie, moins de liberté pédagogique, réaffirmation de l’identité religieuse des établissements (catholiques à 92 %)… Arrêter de financer le privé ne signifie pas renvoyer 2 millions d’élèves supplémentaires vers le public déjà surchargé et licencier 145 000 enseignants. Il est au contraire essentiel de réaffirmer que nous demandons la nationalisation et l’intégration rapide des élèves et des personnels du privé dans le public. Il s’agit de lutter pour que les écoles privées deviennent publiques, gratuites, laïques et ouvertes à tou-te-s. Cela représenterait une économie pour de nombreux parents : « pour des revenus modestes, cela représente environ un mois de salaire… »1 Pour les personnels et les enseignants, cela signifierait une vraie amélioration des conditions de travail. Cela ne coûterait pas très cher : entre 2 et 3 % en plus des dépenses publiques actuelles pour l’éducation. Il y a bien sûr des obstacles, mais ils sont avant tout politiques, plutôt qu’économiques. Cela dépend évidemment du rapport de forces. Malheureusement, depuis 1984, le PS a renoncé à toute lutte conséquente pour un service public laïque unifié de l’éducation. C’est donc à nous de jouer un rôle, dans nos campagnes électorales, avec nos élus, en convaincant les collègues du public et du privé, les parents, que nous avons tous à gagner à la suppression de la concurrence entre l’école publique et privée. Même si cela a été oublié à gauche, nous devons réaffirmer nos principes : « fonds publics à l’école publique » et augmentation significative des moyens pour l’école. Antoine Boulangé1. Le Monde, 2 septembre 2009.