Alors que les enseignantEs sont sous le coup de la sidération face au meurtre ignoble de Samuel Paty, le gouvernement et son sniper Blanquer voudraient en profiter pour renforcer leur gestion autoritaire, en totale contradiction avec les besoins d’un véritable service public d’’éducation.
Blanquer se répand partout sur l’air du « Tout va pour le mieux dans l’Éducation nationale ». À l’entendre, il n’y aurait que formation continue des enseignantEs, soutien à la liberté pédagogique et vénération de la liberté d’expression, et renforcement des réseaux d’aide et de suivi psychologique pour les élèves. On croit rêver, de la part de celui qui a achevé le démantèlement des ESPE (écoles supérieures du professorat et de l’éducation), qui a supprimé des centaines de postes de RASED, en attendant de liquider l’éducation prioritaire. La réforme de la gestion de l’évolution de carrières ouvre la voie aux pires pratiques managériales. Avec comme boussole pour les chefs d’établissement le « pas de vague ». Les enseignantEs doivent en permanence se justifier de leurs « résultats » comme de leurs pratiques pédagogiques. Et sans l’ombre de la moindre « bienveillance » si chère à Blanquer. Le résultat est l’explosion des équipes pédagogiques, la mise en concurrence des personnels. Les conséquences sont encore plus désastreuses dans les quartiers populaires, entraînant incompréhension et sentiment de relégation pour les élèves et leurs parents.
« Territoires perdus de la République » ?
Autre ineptie répétée sans fin, sans que cela n’en devienne une réalité : dans « certains quartiers », les enseignantEs ne pourraient plus parler de certains sujets ! On ressort des cartons les pires ouvrages répandant ce mythe, comme les Territoires perdus de la République, du très islamophobe Georges Bensoussan. En réalité, derrière ce discours, se cache la volonté de contrôler davantage les élèves et d’accentuer la répression envers la jeunesse. Déjà, en 2015, la ministre Najat Vallaud-Belkacem avait appelé à « signaler » les élèves ne respectant pas la minute de silence suite aux attentats de janvier. Il y a quelques mois, le ministère avait publié des fiches sur les « risques de replis communautaristes ». Dans ces fiches, on trouvait des phrases comme « Certaines questions et réactions d’élèves peuvent être abruptes et empreintes d’hostilité et de défiance : remise en question radicale de notre société et des valeurs républicaines, méfiance envers les discours scientifiques, fronde contre les mesures gouvernementales etc. » ; ou encore « Étre attentif aux atteintes à la République qui doivent être identifiées et sanctionnées ». Suite au tollé que ces fiches avaient provoqué dans la profession, le ministère avait dû les retirer… Mais la récupération de l’émotion suscitée par l’assassinat de Samuel Paty risque d’être une nouvelle occasion pour Blanquer d’imposer ces mesures de fichage et de stigmatisation.
Insupportable récupération politicienne
D’ores et déjà, de la part de ceux qui se font aujourd’hui les chantres de la « liberté pédagogique », on entend des discours pour le moins étonnants, comme par exemple la diffusion par les régions (incapables, dans le même temps, de financer les travaux de rénovation qui s’imposent dans nombre d’établissements, ou d’embaucher des agents pour épauler les équipes débordées) d’un « livre de caricatures » dans l’ensemble des lycées… Valls propose même d’obliger les enseignantEs à montrer les caricatures de Charlie hebdo dans toutes les écoles !
Un comble lorsque l’on sait comment ont été traité les collègues qui tentent, dans leurs salles de classe, de pratiquer quotidiennement une pédagogie dans des conditions difficiles. On se souvient qu’en 2015, à Mulhouse, un enseignant avait été suspendu pour avoir montré ces mêmes caricatures aux élèves. On rappelle moins que, dans le même temps, un professeur de philosophie, Jean-François Chazerans, avait été sanctionné pour avoir ouvert un débat sur Charlie hebdo et mis en regard les attentats commis sur le sol français avec les multiples opérations militaires de l’État français dans le monde.
Il est totalement insupportable d’entendre Blanquer prétendre défendre la « liberté d’expression » et la « liberté pédagogique » lorsque, dans le même temps, quatre enseignantEs du lycée Desfontaines de Melle, Aladin, Sylvie, Cécile et Sandrine, sont convoqués en CAPA disciplinaire pour avoir participé à la grève contre les E3C, les épreuves du bac Blanquer et qu’un enseignant est condamné pour des slogans en manifestation !
Face aux mesures réactionnaires et sécuritaires que le gouvernement est en train de dégainer, il va être urgent de construire une riposte collective, pour exiger des conditions d’apprentissage et de travail dignes, afin de construire une éducation réellement émancipatrice pour toutes et tous.