Blanquer a eu un gros coup de chaud, et pas à cause de la canicule de juin. Après avoir voulu passer en force sur la mise en œuvre de ses réformes (dans la voie générale et professionnelle) en jetant une pagaille généralisée, il a fait le choix de passer en force sur les examens. Avec comme premier résultat de discréditer le bac et, au-delà, le cadre de l’école comme service public pour touTEs les élèves, en systématisant l’inégalité de traitement des jeunes.
Face à ce gâchis, qui s’inscrit dans la logique de ce gouvernement qui élève en principe fondateur l’individualisme et la différenciation de l’accès à l’éducation, les enseignantEs mobilisés ne lâchent pas. Alors que Blanquer cherche à opposer les 99 % d’enseignantEs qui feraient leur devoir consciencieusement au 1 % d’énervéEs, le développement de la solidarité à travers les caisses de grève montre bien que, comme beaucoup l’ont dit, il n’y a pas de fossé entre les grévistes des examens et celles et ceux qui n’ont pas fait grève mais se reconnaissent et partagent les raisons de la grève. Les organisations syndicales CGT, SNES, SNALC et FO ont témoigné de ce rapport de forces dans une déclaration le 9 juillet en comité interministériel : « Les menaces de sanctions, de retrait de jours de grève à compter de la date de prise des copies, par le ministre prêt à tout pour publier les résultats dans n’importe quelles conditions, ne peuvent qu’indigner toute la profession. Nos organisations affirment leur totale opposition aux menaces de retenues de salaires sur des périodes qui ne correspondent pas aux seuls jours de grève. Ces menaces sont attentatoires au droit de grève et à nos libertés fondamentales. »
Cadres de solidarité
Après avoir rendu les copies le 8 juillet, les enseignantEs mobilisés ont aidé les organisations lycéennes (UNL notamment) et de parents d’élèves à structurer la défense des droits des jeunes lésés par le passage en force de Blanquer. Ils et elles ont mis conjointement en place une permanence en ligne « SOS Bac », qui a reçu en 3 jours plus de 20 000 appels, d’après le président de la FCPE. Cette permanence vise à orienter jeunes et familles dans les démarches : recours administratif, procédure juridique devant le Tribunal administratif, toutes les possibilités sont envisagées et décidées avec un cadre de solidarité pour les mettre en œuvre (du soutien moral au soutien financier). Une cellule de veille a également été créée pour recenser les sanctions annoncées par le ministre et préparer la riposte en lien avec les organisations syndicales.
Mais il s’agit surtout de préparer la rentrée qui s’annonce calamiteuse. L’application des réformes Blanquer commence en effet avec des plans de licenciements des contractuelEs, qui se déclinent académie pas académie (600 collègues rien que dans l’académie de Créteil). Un casse-tête inédit pour construire les emplois du temps des élèves et des enseignantEs, une impréparation totale des programmes non finalisés ou vides de contenu. Les raisons d’une explosivité existent objectivement. Il reste les moyens subjectifs à structurer pour empêcher une catastrophe annoncée.
Unifier la colère accumulée
L’AG Île-de-France des enseignantEs mobilisés, en lien avec les collègues de Toulouse, Marseille, Montpellier, Dijon, a lancé l’initiative d’Université d’été de l’éducation les 26, 27 et 28 août. 3 jours pour tirer les bilans d’une année de luttes dans tous les secteurs de l’éducation du 1er et du 2nd degré, mais qui n’ont pas réussi à converger, qui sont restées dans le champ de leur spécificité catégorielle et surtout dépendantes de l’agenda du ministère et du gouvernement. L’enjeu est de réussir à unifier la colère accumulée par les expériences de ces luttes pour organiser une riposte en ayant conscience qu’une partie de l’affrontement à construire dépasse le cadre de la seule Éducation nationale puisque la Loi de modernisation de la Fonction publique s’applique également à ce secteur. Les objectifs sont élevés, mais la lutte inédite des dernières semaines a révélé un potentiel et une détermination nouvelle.
Cathy Billard