Un des enjeux de ce 19 mai était de faire entendre contre la réforme une autre voix que celle des réactionnaires, de la droite et de l’extrême droite. Une étape pour préparer la suite.
Depuis plusieurs semaines, un peu partout dans le pays, des enseignantEs dont des militantEs syndicalistes, se battent pour décrypter la réforme du collège, la faire comprendre autour d’eux, à leurs collègues, aux parents d’élèves, convaincre de faire grève le 19 pour en demander le retrait. Dans cette situation, les prises de position de droite et d’extrême droite (dont aucune ne remet en cause l’autonomie des établissements) ne font que brouiller le message. Ce dont profite le gouvernement pour sommer les enseignantEs, qui se sentent traditionnellement de gauche, de se ranger derrière sa réforme.C’est Bayrou, mi-avril, qui a ouvert le bal en jugeant « dégueulasse » la suppression du latin et du grec en tant qu’options. « Une attaque frontale contre le caractère de promotion sociale de l’école », a-t-il expliqué, oubliant qu’une fois sortis de l’école, les élèves, nourris ou non de latin et de grec, se heurtent pour la plupart au chômage ou à la précarité. Il y aurait eu une argumentation simple pour défendre ces options : en quoi la suppression d’offres d’enseignements pourrait-elle permettre de faire réussir mieux les autres élèves ? Mais il faudrait alors dénoncer les intentions du gouvernement lorsqu’il prend cette mesure, faire des économies budgétaires. Il n’est évidemment pas question pour la droite ou pour le FN de le faire. La première n’aspire qu’à revenir au pouvoir et à la gestion des affaires de la bourgeoisie, le second y postule.
Des réponses rétrogrades et nauséabondesDans sa lettre du 6 mai au président de la République, pétition signée par 200 parlementaires, l’UMP Bruno Le Maire dénonce dans la réforme la suppression du latin « un naufrage pour notre nation », un « abandon de l’excellence républicaine », le choix du « nivellement par en bas », de « l’égalitarisme »... Que de grands mots pour éviter de parler de moyens, des postes de professeurs que la droite a supprimés massivement quand elle était au pouvoir, ou du service public qu’elle s’emploie depuis des années, alternativement avec les gouvernements de gauche, à saper et détruire.Quant aux propos racistes et sexistes de Sarkozy contre Taubira et Vallaud-Belkacem, ils ne peuvent que susciter notre indignation, et nous devons lutter avec la plus grande fermeté contre ces idées nauséabondes.Dans la lettre de Le Pen fille aux « collèges de France, proviseurs, professeurs et personnels éducatifs », le Front national dénonce un des aspects essentiels de la réforme : « Le point le plus consciencieusement dissimulé par le gouvernement, et certainement le plus dangereux, est la diminution massive des heures de cours consacrées aux enseignements disciplinaires ». Il dit vouloir « rompre avec la logique des dernières réformes du collège […], sous la droite comme sous la gauche ». Démagogie du discours contre « l’UMPS » qui ne parle absolument pas de moyens budgétaires, ni d’effectifs par classe, ni du renforcement d’une logique qui sape le principe de l’égalité sur un même territoire du service public de l’éducation, la part de plus en plus grande d’autonomie des établissements. Sous couvert de rassurer les parents sur « l’avenir de leurs enfants », c’est un discours rétrograde sur l’école que le FN nous sert : rejet du « principe de l’interdisciplinarité », « fondamentaux », « autorité du maître », fin du collège unique et retour aux collèges professionnels...Alors oui, c’est une tout autre voix qu’ont fait entendre les milliers de manifestantEs de mardi. Et ce n’est pas fini !
Commission Éducation nationale