Publié le Samedi 11 décembre 2010 à 14h50.

Refusons de répondre à l’échec scolaire par la mise à l’écart des élèves

Établissements de réinsertion scolaires, internats d’excellence, le gouvernement tente de pallier les nombreuses suppressions de postes (encore 16 000 sont prévues en 2011), en sortant les élèves de leur environnement. Mais pour rénover le service public d’éducation, la première exigence est l’embauche de tous les personnels indispensables à la réussite de tous les jeunes. Les incidents survenus dans les « établissements de réinsertion scolaire » (ERS) de Portbail (Manche) et de Craon (Mayenne) ont soudainement suscité l’intérêt des médias pour ce dispositif. Les ERS sont un nouveau type d’internat, dont Sarkozy avait annoncé la création en mai dernier, dans un discours sur les questions de sécurité. Le but est d’éloigner de leur quartier d’habitation (majoritairement en banlieue urbaine) des jeunes « perturbateurs » de 13 à 16 ans, pour les regrouper dans des structures spécialisées, situées physiquement dans un collège de rattachement (majoritairement en milieu rural) avec une scolarité aménagée (cours allégés le matin, activités diverses l’après-midi, priorité à l’acquisition des règles de vie collective…). Onze ERS devaient voir le jour avant la Toussaint (une vingtaine avant la fin de l’année scolaire).

Pour le ministère de l’Éducation nationale, la réponse aux difficultés scolaires et sociales de certains jeunes est donc l’éloignement de leur quartier d’origine, leur concentration dans un même lieu en leur interdisant de rencontrer les autres élèves du milieu environnant. Objectif non seulement scandaleux, mais impossible à atteindre. D’où les conséquences parfaitement prévisibles de cet « apartheid » scolaire institué : incidents divers, parfois violents, entre les différents groupes de jeunes… Dans son refus de développer une politique éducative ayant pour objectif la réussite scolaire de tous les jeunes, l’imagination du gouvernement n’est pas en reste. Avant les ERS, ont été créés en 2008 les « internats d’excellence ». Ils sont réservés à des élèves issus de Zones d’éducation prioritaire (ZEP), dont les familles ne disposent pas de conditions matérielles favorables, mais qui sont jugés par l’institution scolaire « motivés » ou ayant de « grandes potentialités ». Il s’agit cette fois d’extraire les élèves « méritants » des quartiers populaires, d’élargir un peu la composition future des classes moyennes, voire supérieures, mais en accentuant les difficultés des établissements scolaires regroupant uniquement les jeunes les plus en difficulté. Douze internats d’excellence ont été créés en 2009 et 2010. Onze autres doivent être mis en place en 2010-2011. ERS, internats d’excellence… la politique du gouvernement est parfaitement cohérente. Celui-ci ne cache plus qu’il a ouvertement abandonné l’objectif d’éducation et de formation, dans tous les quartiers, de l’ensemble de la jeunesse. Il parque certains élèves dans des ERS, en regroupe quelques autres dans les internats d’excellence, mais surtout diminue les moyens accordés aux Zones d’éducation prioritaire (dont la disparition pure et simple est programmée), prévoit dans celles-ci l’enseignement d’un simple « socle commun de connaissances », envoie des enseignants débutants sans aucune formation préalable dans les classes… Avec en arrière-plan 16 000 nouvelles suppressions de postes à la rentrée 2011.

Face à cette politique gouvernementale, la lutte pour la défense et la rénovation du service public d’éducation doit être relancée, avec comme première exigence l’embauche immédiate de tous les personnels indispensables à la réussite scolaire de tous les jeunes : enseignants, surveillants, assistantes sociales, agents de services, infirmières… À l’opposé des logiques de ségrégation des élèves et de diminution des moyens, c’est le travail en équipe de ces personnels, en liaison avec d’autres services publics (Protection judiciaire de la jeunesse, par exemple) qui peut permettre de lutter contre l’échec scolaire. Simon Estanguet