Publié le Samedi 26 novembre 2011 à 10h44.

Vers la privatisation de l’école publique ?

Les syndicats de l’enseignement appellent à la grève le 15 décembre prochain pour s’opposer au nouveau projet de réforme de Chatel.

Les changements dans les évaluations des enseignantEs sont une nouvelle tentative d’aligner l’école publique sur le privé.C ette fois, ce ne sont plus seulement les propositions de l’UMP pour l’après-2012 (voir Tout est à nous ! n°124) qui menacent l’école et ses personnels. C’est un projet gouvernemental qui pourrait s’appliquer très vite.

En premier lieu, il répond à la politique d’austérité agressive que développent Sarkozy et Fillon : l’avancement se ferait à l’ancienneté (c’est-à-dire au rythme le plus lent) pour tous les professeurEs des lycées et collèges dès la rentrée 2012, et jusqu’en 2015. Il s’agit ni plus ni moins que d’une baisse des salaires (préludant à d’autres sans doute). Puis, à partir de 2015, les chefs d’établissement décideraient quelLEs enseignantEs auraient une rémunération supérieure aux autres. On arrive là à l’essentiel du projet Chatel : l’évaluation des professeurEs par les proviseurs des lycées et principaux des collèges. Les chefs d’établissement jugeraient le travail des enseignantEs dans toutes ses dimensions, y compris la pédagogie et le contenu scientifique de leur travail alors qu’ils n’ont pas de formation en la matière ! Cette appréciation déterminerait l’avancement plus ou moins rapide dans la carrière des personnels, avec des conséquences financières importantes. Cela confirme d’ailleurs le peu d’intérêt que porte le ministère à la qualification des enseignantEs, comme on l’a déjà vu lorsqu’il a bradé leur formation professionnelle.

Le sens de cette réforme est clairement de faire évoluer l’école vers les méthodes du privé. Derrière ce projet de Chatel se profile le recrutement des professeurEs par les proviseurs et principaux. Avec une extension prévisible pour les instits. Cette méthode est déjà expérimentée dans des dizaines de collèges (baptisés des initiales Clair). Si elle s’imposait, comme c’est déjà le cas ailleurs en Europe ou aux États-Unis, ce serait la fin de l’école publique et l’institutionnalisation de l’inégalité entre les élèves. La fin de l’indispensable indépendance de l’enseignant, essentielle pour la liberté pédagogique, dans l’intérêt des élèves. Cela signifierait aussi l’affaiblissement d’un secteur qui a marqué ces dernières années par ses luttes et son syndicalisme encore puissant. On voit bien tout l’intérêt pour la bourgeoisie française.

C’est pourquoi la riposte à ces projets est essentielle. Même si, par ailleurs, nous ne défendons pas la méthode d’évaluation actuelle, avec l’inspection, institution réactionnaire, inefficace et honnie des personnels. Mais l’évolution proposée par Chatel serait catastrophique. Les organisations syndicales l’ont compris qui, dans l’unité la plus large, appellent à la grève le jeudi 15 décembre. Cette date paraît tardive, à la veille des vacances de Noël. Pourtant, il convient que la grève soit extrêmement massive. Elle ne doit pas être sans lendemain car une défaite dans cette affaire serait une défaite, non seulement pour le milieu enseignant, mais pour tous les travailleurs, attachés à la défense du service public d’Éducation.

Robert Noirel