Publié le Mercredi 16 octobre 2013 à 15h54.

Alcatel-Lucent : liquidateurs d’emplois

Jusqu’à maintenant, les accords compétitivité avaient essentiellement frappé dans l’industrie automobile avec comme fond de justification, la crise profonde du secteur. Avec Alcatel c’est l’industrie électronique qui vient sur le devant de la scène sociale et, au vu de l’ampleur des prétentions patronales, sur la scène politique.
Dans le cadre du gigantesque Monopoly industriel mondial permanent, en 2006 le mariage du groupe français Alcatel et de l’américain Lucent donnait naissance au n°1 mondial des équipementiers de télécommunication. 

Leur faillite
Économie d’échelle, mise en commun de secteurs d’activité et de recherche devaient donner au groupe une rentabilité confortable. Avec, en conséquence, des centaines de suppressions de postes. Concurrence des pays émergents, erreurs dans les stratégies industrielles ont conduit le groupe à un endettement de 6 milliards d’euros.
Pour les patrons du groupe, une seule solution : faire des économies sur le dos des salariéEs. Leur sixième plan de restructuration prévoit des mesures brutales : en France deux sites fermés rapidement, trois autres cédés dans le cadre d’externalisation, 10 000 suppressions d’emplois dans le monde dont 900 en France, auxquels il faut ajouter 900 « externalisations ». Leur politique a déjà conduit à 12 500 suppressions de postes en 2007, 4 000 en 2008, et le dernier plan de 1 420 n’est même pas terminé. Dans le même temps, les dirigeants se sont succédé abandonnant tour à tour le navire, dont Tchuruk avec son fameux parachute doré de 5,7 millions d’euros.
Pour le syndicaliste responsable de la CFE-CGC, François Schmets : « Ce n’est pas parce que l’on négocie qu’on parvient à un accord. Nous sommes tout à fait conscients de la gravité de la situation du groupe, mais nous voulons que les efforts soient répartis équitablement entre les pays. C’est le minimum. » D’autres critiquent la stratégie industrielle qui tend à déplacer le centre de gravité de la France vers les États-Unis : « L’objectif, c’est de faire baisser le nombre d’emplois supprimés en France et le nombre de fermetures de sites », selon le délégué central CFDT.
Du côté du gouvernement, la ministre de l’Économie numérique, Fleur Pellerin, et celui du Redressement productif, Montebourg, appellent les opérateurs (SFR, Bouygues et Free) à « avoir un comportement vertueux et patriote... lors des grands appels d’offres liés à la 4G ». Le 9 octobre, après avoir rappelé qu’Alcatel touche environ 80 millions d’euros au titre du « crédit d’impôt recherche », Jean-Marc Ayrault déclarait : « S’il n’y a pas d’accord majoritaire, le plan social ne sera pas agréé, puisque maintenant, la loi donne à l’État la responsabilité de le faire »...

L’indispensable mobilisation
Tout cela ne risque pas de faire revenir Alcatel sur ses projets. Au contraire, la loi sur la compétitivité issue de l’ANI va permettre au groupe mettre en œuvre son plan avec des délais raccourcis, des garanties moindres pour celles et ceux qui changeront de site ou qui seront licenciéEs. Comme à chaque fois, la mobilisation est difficile. Au fil des années, la stratégie patronale de suppression de postes, licenciements, départ anticipés, engendrent un fatalisme démobilisateur. 
Pourtant des ripostes ont déjà eu lieu dès l’annonce du plan, avec des débrayages parfois massifs, comme sur le site d’Orvault promis à la fermeture ou à la cession. Ce mardi 15 octobre, la manifestation devant le siège d’Alcatel à Paris a réuni plus de’un millier de salariéEs en colère venuEs de la plupart des sites concernés ou non. Pour se construire, la mobilisation de celles et ceux d’Alcatel doit trouver deux points d’appui. Tout d’abord une revendication claire de refus de toute suppression de poste, de tous les licenciements, de toutes les mutations, en posant la question de l’expropriation du groupe si la direction refuse de revenir sur son plan. En même temps, il faut rechercher et construire les convergences.
En bloquant l’aéroport de Brest puis en rejoignant des groupes de Jeunes agriculteurs, de la FDSEA et d’aviculteurs, les salariéEs de l’agro-alimentaires de Doux, Tilly-Sabco, Marine Harvest et Gad, montrent la voie de convergences possibles. Pas sûr que les « politiques » rencontrés à Brest et Morlaix aient entendu leurs messages. En s’y mettant toutes et tous, la montée des mobilisations faisant reculer patrons et gouvernement pourrait se faire à l’Ouest...

Robert Pelletier