Faisant suite à l’accord interprofessionnel signé par quatre confédérations sur cinq en janvier 2008 (à l’exception de la CGT), la loi sur la modernisation du travail a mis en place un nouveau dispositif : la rupture conventionnelle du contrat de travail. Depuis, plus d’un million de procédures ont été homologuées par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.Il faut dire que ce dispositif est particulièrement simple et avantageux pour les entreprises : aucun motif de séparation à avancer, pas de préavis et un délai de rétractation de quinze jours. Mieux encore : les demandes d’homologation sont accordée dans 94 % des cas selon la Dares1 essentiellement pour vérifier si les délais et le montant des indemnités ont été respectés.Fondamentalement inégauxElles représentent aujourd’hui 12 % des fins de CDI, deux fois plus que les licenciements collectifs, mais encore nettement moins que les démissions. Alors pourquoi s’en priver ? Le salariéE évite la démission sans indemnités de chômage et l’entreprise les licenciements, avec leur cortège de contestations aux prud’hommes. C’est ainsi que dans le meilleur des mondes selon Laurence Parisot, un grand pas en avant aurait été réalisé avec l’instauration de la loi sur le divorce en 1975 : il s’agirait tout simplement d’appliquer la même philosophie au monde de l’entreprise...À un « détail » près cependant : le contrat de mariage met sur un pied d’égalité les deux époux. Dans le code du travail, cela reste fondamentalement un contrat de subordination entre deux parties qui ne sont absolument pas égales. Ce n’est donc pas un hasard si, selon l’enquête menée par la Dares en juin 2011, les trois quarts des ruptures conventionnelles sont signées dans des entreprises qui comptent moins de cinquante salariés et n’ont ni représentant syndical ni délégué du personnel. Moins d’unE salariéE sur dix se fait accompagner pendant la négociation. Alors, volontaires les salariéEs ?Vers la « flexisécurité »Il y a certes une forme de rationalité d’un point de vue individuel à engager une telle procédure lorsque la situation s’est fortement dégradée dans l’entreprise : une contestation devant les prud’hommes est toujours longue et aléatoire. Mais c’est une minorité de salariéEs plus ou moins en position de force qui arrive à négocier dans ces conditions.Dans les trois quart des cas, selon une enquête menée par la CFDT en juillet 2012, c’est à l’initiative des entreprises. Outre les avantages pratiques, il y a aujourd’hui deux avantages politiques à exploiter au maximum ce dispositif.Dans un contexte de réorganisation incessante du processus de travail, cela permet de faire supporter à la collectivité, via l’assurance chômage, et à l’individu, via la rupture conventionnelle, les dégâts causés par la recherche sans fin des gains de productivité.C’est aussi et surtout un point d’appui pour expérimenter un nouveau type de contrat de travail où la « flexisécurité » selon le patronat devrait lui donner la possibilité de mettre en place des ajustements rapides et « volontaires » de départs, aujourd’hui individuels, demain collectifs. Un des enjeux justement des négociations « historiques » selon Hollande qui devraient reprendre le 10 janvier entre syndicats et patronat.Jean-François Cabral1. Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques.
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