Ce 14 février un appel à la grève nationale était lancé à l’initiative d’une intersyndicale comprenant Solidaires informatique, STJV et CFE-CGC.
L’appel à l’échelle nationale a été entendu car on comptait environ 700 grévistes pour environ 3 000 salariéEs dans les différents studios français de ce géant de l’industrie du jeu vidéo. À Paris, une bonne centaine de grévistes sur le piquet ont marché jusqu’à Saint-Mandé (adresse des bureaux occupés par les équipes de direction). Parmi elleux, on trouve des salariéEs en poste depuis 6 mois à 25 ans, et leur constat est partagé : « On arrive dans le dur de l’attrition naturelle », nous confie un salarié syndiqué chez Solidaires1.Dans une industrie qui n’a jamais autant licencié qu’en ce début d’année, Ubisoft ne fait pas exception.
Ce qui revient surtout, ce sont les salaires, qui ne suivent pas l’inflation et dont l’augmentation proposée n’est que de 2,8 % malgré une demande de 10 % puis 5 % par les organisations syndicales pendant les NAO (négociations annuelles obligatoires). De plus, l’enveloppe d’augmentation individuelle est réduite à peau de chagrin (déjà que ce système est opaque, arbitraire et propice aux copinages). Le résultat est l’absence d’augmentations individuelles pour la plupart des salariéEs et des augmentations pour celleux qui ont les bonnes grâces de la direction ou qui ont accepté de rogner sur le temps de sommeil pour s’acharner à travailler sur un jeu qui ne sortira peut-être jamais.
Car en plus des salaires qui n’augmentent pas, la menace sourde du non-renouvellement de leur CDD en fin de prod’, les travailleurEs doivent faire avec un management chaotique habitué aux décisions incompréhensibles. Comment garder le moral quand on travaille quatre ans sur un jeu vidéo pour que tout ce travail soit jeté à la poubelle pour des raisons économiques ? Quel sens trouver à son travail lorsque l’on travaille depuis sa sortie d’études, 7 ans auparavant, sur le même jeu, qui ne sortira peut-être jamais ? Par leur grève, les salariéEs d’Ubi veulent aussi dire qu’iels en ont assez d’être baladéEs par la direction sans avoir leur mot à dire sur la stratégie de l’entreprise. La croissance du nombre d’adhérentEs aux différents syndicats chez Ubisoft en témoigne. Cette croissance se retrouve également dans l’ensemble des studios français et montre qu’une conscience de classe émerge parmi les travailleurEs du secteur.
Même si les victoires se font attendre, la construction de syndicats et de stratégies de lutte sont une étape nécessaire pour engager le rapport de forces à Ubi comme ailleurs. Dans un secteur qui est longtemps resté un désert syndical, il est temps de faire transpirer Guillemot et ses semblables.
A.B
- 1. Voir l’Anticapitaliste n° 647 du 2 février 2023. https://lanticapitaliste…