Publié le Samedi 18 septembre 2021 à 18h00.

En Vendée, chez STEF, on n’aime pas les syndicalistes

Quand les délégués syndicaux font leur boulot, tous les moyens sont bons pour la direction.

Vendredi 10 septembre, site de l’entreprise STEF (transport du froid), 200 employéEs aux Essarts (Vendée). Une manif d’une trentaine de salariéEs a lieu dans l’enceinte même de la boîte : panneaux, pancartes, slogans… Ce réveil revendicatif est tardif, mais spectaculaire. D’autant plus inédit qu’il comporte un seul mot d’ordre : le départ immédiat des deux délégués syndicaux CGT présents sur site, Mehdi Khechirem et Yoann Jadaud… qui filment la scène.

Délégués syndicaux dans la viseur

Il faut avouer que Yoann et Mehdi sont pénibles.

En 2013, dans ce désert syndical, ils mettent en place la CGT. Très vite, les conquêtes sociales s’enchaînent. Trop vite, sans doute : la direction répond en mettant en place la CFTC – les syndicats maison sont une politique de groupe, chez STEF, peu importe l’étiquette. Celle-ci finit par ravir à la CGT sa première place aux élections, même si la centrale reste majoritaire dans le collège ouvrier. Minoritaires, Mehdi, Yoann et leurs camarades continuent la lutte. Au début de cette année, plusieurs salariéEs ultramarins et issus de l’immigration se plaignent auprès de la CGT du racisme régnant dans l’entreprise. Yoann et Mehdi enquêtent, rédigent un rapport accablant, demandent des comptes à la direction, qui refuse de leur répondre… et les licencie en juin. Entretemps, les salariéEs victimes de racisme, écœurés par l’inertie de l’entreprise, la quittent (arrêts maladie, mutations…).

Cet été, la direction de STEF Vendée a donc pu passer d’excellentes vacances, avec le sentiment du devoir accompli : les délégués syndicaux dénonçant le racisme licenciés, les victimes chassées.

C’était sans compter sur l’inspection du travail : le 8 septembre, dans un rapport extrêmement sévère, elle fustige la direction, le syndicat CFTC, souligne la qualité du travail de Yoann et Mehdi, et les réintègre dans l’emploi.

L’arme du droit était donc épuisée.

Manifestation… de cadres

Il restait l’aventurisme illégal : une manifestation de salariéEs. De qui parle-t-on ? De près de trente cadres, dont la totalité des chefs de service, et de trois ouvriers. Yoann et Mehdi ont filmé toute la scène : on aperçoit clairement un salarié entièrement cagoulé. Un juge d’instruction se fera sans doute un plaisir de chercher qui se cache sous la cagoule… La direction et son syndicat CFTC, tout en qualifiant cette manifestation de « spontanée », lui apportent leur plein soutien.

Piétiner à la fois le droit syndical – inscrit dans la Constitution – et une décision administrative, celle de l’inspection du travail, exige sans doute, ne serait-ce qu’eu égard au risque pénal, le soutien du groupe STEF.

Pour notre part, nous soutenons Mehdi et Yoann. Ce qui leur est arrivé est à la fois grave et historique, au sens où de telles manifestations antisyndicales ont été rarissimes les vingt dernières années. Elles sont encore plus inquiétantes dans le climat actuel, où le recul des droits syndicaux concorde avec une offensive de l’extrême droite sur tous les plans. La cagoule face aux syndicalistes combattant le racisme fut jadis plus qu’un vêtement : une organisation.

Solidarité avec Yoann et Mehdi, contre le racisme, et pour l’égalité !