Publié le Jeudi 3 janvier 2019 à 18h44.

Et Carlos Ghosn est toujours président de Renault !

Chaque nouvel épisode du feuilleton Carlos Ghosn, placé en détention au Japon depuis le 19 novembre 2018, apporte son lot de révélations.

D'abord, il y eut la divulgation d’une première dissimulation au fisc japonais de revenus de l’ordre de 38 millions d’euros de 2010 à 2015, puis de celle de 30 millions d’euros camouflés de 2015 à 2018. Et maintenant on parle d’un transfert, depuis les comptes de Nissan, remboursant Carlos Ghosn, via un intermédiaire saoudien, de pertes dans des opérations boursières personnelles. Et celui-ci n’y est pas un joueur « petit bras » : ce sont des pertes de 14,5 millions d’euros. Toutes ces informations proviennent des autorités japonaises et sont reprises par le presse financière du monde entier : les complotistes sont plutôt à trouver parmi les négateurs de ces accusations.

L’envers et l’endroit du scandale

Les revenus connus et publics de Carlos Ghosn pouvaient atteindre 15 millions d’euros par an. Mais il lui fallait gagner toujours plus. Et, au-delà de la validité juridique de toutes les opérations gonflant les comptes personnels de ce patron-­voyou, c’est au sens strict de l’argent volé, de l’argent extorqué à partir du travail de salariéEs de chez Nissan et Renault. Ces gains faramineux ont notamment été ­permis par la restructuration de Nissan entre 1999 et 2002 : 21 000 salariéEs licenciéEs et six usines fermées. 

C’est un système fondé sur l’enrichissement de quelques-uns, la servilité des grands chefs envers les plus grands chefs pour aboutir à une véritable omerta qui couvre ces dérives. Le tout sous le regard des gouvernements français successifs, toujours l’actionnaire de référence, qui n’ont rien trouvé à redire parce que l’alliance Renault-Nissan générait du profit, plus d’un milliard d’euros allant en moyenne sous forme de dividendes chaque année, passant des caisses de ­Nissan à celles de Renault. 

Le maintien de Carlos Ghosn, empêché, emprisonné, à son poste de président de Renault, est la nouvelle phase du scandale, gouvernement français et autres actionnaires en étant directement responsables. Présomption d’innocence, tu parles ! Ceux qui, dans la direction de Renault, osent brandir cet argument sont des experts en mises à pied et licenciements expéditifs sur simples soupçons ou « gueule qui ne revient pas » au chef. 

Combien de millions de bonus versés aux Pays-Bas ?

Au cœur de l’alliance Renault-­Nissan, une société holding RNBV a été installée en 2002 aux Pays-Bas, lieu choisi pour... ses avantages fiscaux. Elle a progressivement étendu ses domaines d’activité à mesure que les relations entre ­Renault et Nissan s’intensifiaient. Elle est devenue une instance sous le contrôle exclusif de Carlos Ghosn, autonomisée tant vis-à-vis des instances de Nissan que de celles de Renault. En juin 2017, l’agence Reuters écrivait : « Les banquiers de l’alliance Renault-Nissan ont élaboré un projet permettant de verser des millions d’euros de bonus annuels supplémentaires au PDG Carlos Ghosn et à d’autres dirigeants ». L’existence du projet n’avait pas alors été démentie, même s’il était assuré qu’il n’était pas encore appliqué. Le syndicat CGT Renault demande aujourd’hui des explications. C’est la fin de l’omerta, la levée de tous les secrets qui entourent ces opérations qu’il faut exiger.

Les patrons de l’industrie automobile en France sont décidément gravement atteints. Entre Ghosn emprisonné et le PDG de PSA, Tavarès, qui s’autoproclame « psychopathe de la performance » financière, leur monde de premiers de cordée si cher à Macron est à renverser. Passer de l’indignation générale à la mobilisation collective pour gagner, c’est l’enjeu d’aujourd’hui.

Jean-Claude Vessilier