Le 3 novembre, la direction d’Erasteel (leader européen des aciers rapides) a annoncé la suppression, à l’échelle mondiale, de 280 postes sur un effectif de 700. Site le plus touché, la « Forge » de Commentry (190 ans d’activité) pourrait perdre 190 emplois sur les 240.
L’inquiétude existait mais la nouvelle a fait l’effet d’une déflagration et plonge des dizaines de familles, une ville et un bassin entier (Montluçon-Commentry), déjà fortement touché par le chômage et les plans de licenciements, dans l’incertitude.
C’est une étape de plus dans la casse à l’œuvre depuis des années dans l’Allier : la CGT évoque 3 000 emplois détruits en quinze ans. L’année passée, dans la même ville, ADISSEO (qui développe sa production en Asie) avait supprimé des dizaines de postes en fermant l’atelier historique de production de méthionine.
Des choix purement financiers
Le choix exclusivement financier d’Erasteel apparaît au grand jour : rachetée à Eramet, groupe minier, par un fonds d’investissement belge, Syntagma Capital, il y a à peine trois ans, l’entreprise avait vu le démantèlement d’une grande partie des outils de production d’acier conventionnel et son activité réorientée vers le développement d’une filière de recyclage des métaux. Aujourd’hui, Syntagma estime que le cash ne rentre pas assez vite et sacrifie les salariéEs sur l’autel de la rentabilité à court terme. De l’avis général, le plan envisagé signifierait, à court terme, la fermeture de l’usine.
Évidemment, l’entreprise a largement bénéficié d’argent public pour l’activité de recyclage qu’elle veut abandonner, et pour laquelle des investissements étaient encore en cours ces dernières semaines. Il y a d’ailleurs de quoi s’interroger sur la gestion actuelle des « déchets » que constituent les piles alcalines ou les pots catalytiques de l’industrie automobile, s’ils ne sont pas pris en charge par le secteur du recyclage. Cette décision met aussi en lumière l’absence totale de contrôle sur l’argent versé aux entreprises et sur les choix industriels, dans des secteurs pourtant stratégiques (« transition écologique », industrie de pointe).
Empêcher le démantèlement, garantir la sécurité
Alors que la CGT exige la tenue d’une conférence sur l’emploi industriel ; alors que le maire divers gauche de Commentry demande des expertises indépendantes et la recherche d’un repreneur en associant les salariéEs, ces dernierEs, viscéralement attachéEs à leur production — où se succèdent des générations de mêmes familles — poursuivent l’activité pour expédier les commandes, et vont veiller sur l’outil, afin de s’assurer qu’il ne soit pas démantelé et de garantir la sécurité du site Seveso seuil haut.
La mobilisation qui s’organise à Commentry, avec une première manifestation vendredi 14 novembre qui a été très importante, n’est pas seulement la défense d’une usine ; c’est la défense de l’emploi et l’appel à d’autres choix économiques et industriels. Les salariéEs, sous le choc et hébétéEs, vont devoir surmonter le coup et construire la lutte dans la durée.
Une lutte politique
Mais le combat de la Forge dépasse ses murs : il va entraîner tout un bassin et pose frontalement la question politique de la lutte contre le capitalisme financiarisé et l’appropriation des ressources publiques et naturelles pour satisfaire les marchés, se soldant systématiquement par le chômage et l’abandon de sites industriels pillés et pollués, sacrifiant des vies et condamnant des territoires entiers.
Il pose la question de la reprise en main de la production et des outils industriels par les travailleuses et les travailleurs, les citoyenNEs, par la planification démocratique et écologique, au service de la société et non pas des actionnaires et des intérêts impérialistes des grandes puissances.
Dans les prochaines semaines, le sujet de la propriété de l’entreprise et des comptes à rendre par le fonds d’investissement devra nécessairement être mis sur la table : c’est la condition pour sauver la Forge.
Fanny