Publié le Mardi 22 janvier 2019 à 12h42.

Ghosn, victime de sa rapacité

Abattu en plein vol (dans les caisses de Nissan), le rapace Carlos Ghosn était finalement trop grillé pour être sauvé par l’État français. Celui-ci lui a trouvé un remplaçant, et négocierait avec le Japon l’avenir du trust Renault-Nissan-Mitsubishi. 

Car il n’y a pas de mystère : si les malversations du PDG français ont été soudain dévoilées au Japon, c’est qu’il devait y avoir quelque rififi entre actionnaires, et entre États français et japonais pour le partage des bénéfices. La trop grande gourmandise du patron, prétendument adulé pour avoir « relevé » Nissan en y faisant 21 000 licenciements, a fini par le fragiliser dans ces luttes capitalistiques..

Le tueur de coûts… coûtait bien cher

Et, même pour l’État français, les détournements et magouilles sont devenus trop visibles : 60 millions d’euros de rémunérations cachées, l’emploi présumé fictif de sa sœur, l’achat et la rénovation par Nissan d’une villa luxueuse à Beyrouth, l’utilisation de fonds de l’entreprise pour couvrir ses pertes spéculatives personnelles et le paiement d’une rémunération de 7 millions d’euros en 2018 par une structure opaque Nissan-Mitsubishi basée en Hollande… Sans oublier la fraude fiscale ici même, puisque Ghosn avait choisi de ne plus être résident fiscal en France depuis 2012… Dans le contexte des « Gilets jaunes », ça commence à faire beaucoup !

« Bien fait pour lui ! »

Les salariéEs des sites Renault qui, au moment de l’arrestation de Ghosn, disaient « Bien fait pour lui ! », se marrent de la suite des déboires du « Cost Killer », chouchou des actionnaires auxquels il avait assuré des milliards d’euros de dividendes et qui se croyait dès lors intouchable.

Ghosn lui-même n’a pas trop de quoi pleurer : bien qu’emprisonné depuis 2 mois, il était toujours payé par Renault jusqu'à sa démission du 24 janvier. Et voilà que commencerait la négociation de ses « conditions de départ » et du montant de sa retraite. Même un licenciement pour escroquerie, ça va lui rapporter de l’argent !

La place est bonne

Les candidats qui étaient sur la grille de départ pour prendre sa succession ne valaient pas mieux : en pole position, l’actuel PDG de Michelin, Jean-Dominique Sénard, 1 500 postes supprimés dans ce groupe en 2017, dont 1 000 dans l’usine de Clermont ; juste derrière lui, l’actuel numéro 2 de Toyota, Didier Leroy, qui a annulé pour l’année 2018, à l’usine d’Onnaing (dans le Nord), la « prime de participation » sous prétexte de déficit local, alors que le groupe réalisait un bénéfice record ; plus loin en deuxième ligne, un revenant, Patrick Pelata qui, il y a 8 ans, avait servi de fusible à Ghosn dans une obscure affaire de faux espionnage, révélatrice de la paranoïa du grand patron. C'est finalement Jean-Dominique Sénard qui a emporté la mise, associé à Thierry Bolloré, l'ex-adjoint de Ghosn.  

À quand les « gilets Ghosn » ?

Au milieu de tout ce micmac, vont bientôt s’ouvrir les négociations salariales annuelles (NAO). Pas question d’en rester au classique rituel des rencontres « cause toujours » patronat-syndicats. Si le vent de la mobilisation des Gilets jaunes passait la porte des usines, il balaierait des années de résignation. Car l’héritage des années Ghosn (gel des salaires depuis 2013) a laissé assez de carburant à la colère pour entretenir une lutte longue et déterminée !

Correspondant