Publié le Mercredi 3 février 2016 à 11h41.

Goodyear : Relaxe pour les 8 !

La condamnation des syndicalistes de Goodyear s’inscrit dans un double contexte politique : une régression sociale tous azimuts dont la publication du rapport de la commission Badinter est la concrétisation, et l’instauration de l’état d’urgence, dont la prolongation illustre la volonté du gouvernement de faire évoluer en profondeur le fonctionnement des institutions notamment en matière de sécurité.

En effet, cette condamnation à 9 mois de prison ferme des ex-salariéEs de l’usine d’Amiens-Nord résulte pour l’essentiel d’une volonté gouvernementale, dans la mesure où la direction de l’entreprise et les cadres concernés avaient retiré leur plainte.

Une longue tradition

La répression de l’action militante, syndicale n’est pas une nouveauté dans l’histoire sociale française. Sans qu’il soit nécessaire de remonter aux grandes vagues répressives des années 1920 ou 1938, le pouvoir politique a violemment réprimé le mouvement social à plusieurs reprises. En 1947-48, ce sont les grèves des mineurs qui sont brutalement réprimées, et en 1952, c'est le Parti communiste  suite à la manifestation contre le général Ridgway ayant opéré en Corée.

Par la suite, ce sont essentiellement les mouvements contre la guerre d’Algérie qui susciteront l’essentiel d’une répression engagée le peu connu 14 juillet 1953, où six jeunes ouvriers algériens sont assassinés par la police.

Dans l’après 68, le combat contre le syndicalisme combine répression patronale et policière et tentatives de développement d’un syndicalisme pro-patronal.

La tentation du « dialogue social »

L’arrivée de la gauche au pouvoir, la baisse de la conflictualité, vont modifier stratégies patronale et gouvernementale, avec la volonté de favoriser la prédominance du syndicalisme d’accompagnement s’inscrivant pleinement dans le « dialogue social ».

L’aggravation de la « crise » économique entraînant fermeture de sites et licenciements, relance une conflictualité accompagnée de violences suscitées par la colère devant la perte des moyens d’existence autour de Cellatex, Daewoo, New Fabris, jusqu’à Continental.

Dans toutes ces situations, gouvernements et patronat ont pourtant fait le choix d’une répression mesurée censée limiter les manifestations de solidarité voire de colère.

La guerre sur le front social

C’est bien là qu’avec ces condamnations des Goodyear réside la rupture. Une rupture inscrite dans une continuité qui démarre avec le refus d’amnistie sociale rejetée par Hollande en 2013. Les exigences patronales conduisent à installer un climat social qui vise à délégitimer toute contestation sociale. La conséquence en est la volonté de criminalisation de toute action refusant la dictature patronale et le « dialogue social ». C’est ce double refus qui explique les condamnations des Goodyear, ainsi que les sanctions et poursuites contre ceux d’Air France.

L’évolution vers un État de plus en plus fort, évolution légitimée par la menace terroriste, fournit les outils d’une politique répressive amenée à viser de plus en plus l’ennemi intérieur, le camp des exploitéEs et des oppriméEs.

C’est pourquoi la bataille pour la relaxe des Goodyear n’est pas seulement un combat pour la solidarité ouvrière mais une bataille politique contre un gouvernement qui allie de plus en plus ouvertement régression sociale et répression. Une bataille qui ne fait que commencer ce jeudi 4 février.

Robert Pelletier