Le 1er octobre 2019 au matin, 12 piquets de grève se mettaient en place dans Paris mais aussi dans le 92 et le 93.Cette action, coordonnée par la CGT, a permis à quelque 150 travailleurs sans-papiers de se mettre en grève pour réclamer un droit élémentaire : pouvoir travailler légalement c'est-à-dire avec les mêmes droits que tous les autres salariés de ce pays.
Un exemple de courage
Ces travailleurs sans-papiers, qui sont tenus par leur absence de papiers de tout accepter (les heures impayées, les horaires de nuit…) n’en sont pas moins conscients du sort qui leur est réservé.
C’est pourquoi ils ont pris le risque de sortir de l’ombre, dans le cadre d’une action coordonnée régionalement, afin de réclamer les documents permettant de faire une demande de régularisation.
Certains d’entre eux travaillent sous alias (l’identité d’un frère, d’un cousin, d’un ami…) et demandent alors une concordance d’identité, c'est-à-dire la reconnaissance par l’employeur de la véritable identité de son salarié. D’autres travaillent avec des papiers dont la provenance est sans doute illégale et réclament eux aussi la reconnaissance de leur véritable passeport.
Ainsi, lors de la grève du 1er octobre, se sont côtoyés des salariés issus de la restauration, du nettoyage, du routage de la presse, du bâtiment. Ils sont intérimaires, d’autres sont en CDD ou CDI. Certains demandent aussi la reconnaissance d’heures supplémentaires, la requalification d’un CDD en CDI… Car bien souvent, aux problèmes de papiers viennent s’ajouter des entorses quotidiennes dans l’application du code du travail envers ces travailleurs, doublement exposés, doublement précarisés.
Travailleurs indispensables
C’est au nom de la circulaire Valls de 2012 que ces travailleurs demandent à être régularisés.
En effet, les gouvernements qui se succèdent depuis plus de 40 ans, dans leur grande hypocrisie, interdisent la libre circulation, mais les immigrés, avec ou sans papiers, travaillent.
Un sujet qui embarrasse nos dirigeants. Comment faire avaler la pilule de l’immigration créatrice de chômage et « en même temps » valider le fait que sans cette main d’œuvre l’économie française (et européenne plus largement) serait mise en grande difficulté ? Il faut faire des efforts et des contorsions pour comprendre… Le gouvernement Valls avait finalement trouvé une solution : régulariser par le travail. Si une personne peut justifier d’un certain temps de présence sur le territoire et d’un certain nombre d’heures de travail, alors sa situation peut permettre l’obtention d’une carte de séjour.
Le gouvernement Macron-Philippe réfléchit lui à une loi qui permette une immigration contrôlée en fonction des besoins de main d’œuvre (sur un modèle du type étatsunien). Une vraie politique au service du patronat, mais n’est-ce pas là sa marque de fabrique…
Les affaires continuent
Les contradictions sont bien là et les 150 en lutte du 1er octobre le démontrent bien. Car si l’on reproche aux immigréEs tous les maux (chômage, dumping social), ils et elles sont les premiers à en faire l’amère et cruelle expérience.
Pendant ce temps, alors que des piquets ont été délogés par la police, les affaires continuent. Et ce sont bien les entreprises qu’il faut pointer du doigt. Car les affaires tournent rond pour KFC, l’UGC Ciné Cité, Léon de Bruxelles…
Les entreprises ont fini par céder et ont établi les CERFA (document sur l’identité des salariés) pour 11 des 12 piquets. Un patron récalcitrant (puisqu’il a menacé les grévistes), devra surement répondre de ses actes devant la justice. Il s’agit de l’agence Cervus dans le 92.
Les dossiers ainsi constitués suivent leur cours auprès des préfectures et les travailleurs de la lutte du 1er octobre devraient obtenir leur titre de séjour dans les semaines qui viennent.
Amplifier ce type de luttes concrètes pour la régularisation des sans-papiers est dans doute le meilleur remède pour combattre l’extrême droite et un patronat vorace.
Maude L.