Créé il y a 20 ans, le collectif la Générale s’est d’abord établi à Belleville avant d’emménager dans l’ancien conservatoire du 14e arrondissement en janvier 2020
Depuis, ce lieu culturel ouvert à toustes a réussi à établir dans le quartier de manière pérenne une gestion non mercantile de ses activités. Pourtant, la mairie du 14e arrondissement leur demande de quitter les locaux au terme du bail le 30 novembre prochain, malgré un vœu favorable du Conseil de Paris pour la poursuite de l’activité.
La Générale se définit comme un laboratoire de création culturelle, artistique, politique et sociale. Sur un mode autogestionnaire, les décisions y sont prises de manière horizontale, au consensus. Elle accueille gratuitement des artistes immergéEs1 de diverses disciplines pour des résidences courtes d’écriture et de création mais aussi une AMAP, des associations de pratiques corporelles, une permanence d’écoute clinique du burn-out militant, une chorale afro-féministe, les Soulèvements de la Terre du 14e, la radio Pi-Node, et des autrices en résidence permanente.
Un lieu d’expérimentations artistiques
Pour les résidences artistiques, les membres du collectif sélectionnent sur dossier en ayant à l’esprit que l’écriture de ce type de documents est discriminante. Iels s’attachent moins à la forme et à la langue qu’à la proposition. Iels privilégient les personnes minorisées, les jeunes compagnies, les artistes qui ne sortent pas d’école, les personnes hors des réseaux institutionnels, les parcours interrompus. Cela permet aux artistes qui y travaillent de pouvoir pleinement expérimenter, en ayant la possibilité de se tromper, sans objectif de rentabilité puisqu’iels n’ont pas à payer pour accéder aux locaux. La programmation est accessible à prix libre, et les prix du bar et de la cantine sont très modérés. Avec ce modèle et grâce au soutien de la municipalité et de la DRAC (Direction régionale des Affaires culturelles), le collectif parvient à rémunérer deux employéEs permanentEs.
Les lieux tels que la Générale sont précieux pour les artistes, les associations, les collectifs militants, les habitantEs des quartiers. Dans Paris intramuros, ils deviennent de plus en plus rares. Les dernières années, les lieux alternatifs, friches et squats de la capitale ont presque tous été transformés en tiers lieux institutionnalisés, gérés par des agences capables de présenter un business plan bien rodé, une formule presque copiée-collée qui, derrière une vitrine engagée et alternative, s’inscrit parfaitement dans les logiques capitalistes.
Le droit à la ville
À contre-courant, la Générale envisage son activité avec, comme idée directrice, le droit à la ville. Concept développé à la fin des années 1960 par Henri Lefebvre, il consiste en une remise en cause de la propriété privée de l’espace urbain : la ville appartient à celleux qui la font et non à une élite en capacité de la posséder.
Il est donc important de défendre ces trop rares espaces de vie dans la ville et de les soutenir. Il est incompréhensible que la mairie du 14e ne renouvelle pas le bail de la Générale et ne propose pas de solution. Le collectif sans lieu ne pourra poursuivre ses actions, et la Région Île-de-France menace de lui retirer sa subvention. C’est un énorme gâchis que d’abandonner ainsi des années de travail fructueux et de briser les liens créés au sein du quartier.
Une pétition et un kit de soutien sont disponibles sur le site internet de la Générale. Une journée d’activités diverses (ateliers, tables rondes, performances…) sur le thème « Défends-toi ! » aura lieu le 23 novembre pour envisager comment poursuivre la lutte pour ces espaces.
Estelle Menu
- 1. Terme proposé dans son Manifeste par la Fédération des pirates du spectacle vivant. ImmergéE désigne les artistes les plus précaires et précariséEs, pas encore ou tout juste intermittentEs, n’ayant pas accès aux circuits institutionnels pour créer et s’auto-exploitant plus ou moins joyeusement. Permet de créer une distinction avec le terme souvent flou d’émergeant.