La diffusion du reportage « La Poste sous tension », dans le cadre de l’émission « Envoyé spécial » du 12 septembre, met les nerfs de ses dirigeants quelque peu à vif.
Deux jours avant la diffusion elle-même, un communiqué émanant du siège tentait de discréditer l’émission, pour justifier son refus d’y participer. Le prétexte ? La présence d’un des journalistes lors d’une action des grévistes du 92 dans les locaux du siège, action qualifiée de « délictueuse ». Étrange conception du métier de journaliste et de la liberté de la presse de la part des patrons de La Poste !
Le syndrome France Télécom ?Pour le coup, ce reportage a largement été vu et commenté, notamment sur les réseaux sociaux. La souffrance au travail, matérialisée en particulier par son aspect le plus brutal et visible — les suicides — y est traitée, comme cela l’a déjà été dans la presse ces dernières années. Mais, fait nouveau, plusieurs cadres (y compris dirigeants) témoignent. Ainsi est mis au grand jour le système mis en place au plus haut niveau pour « gérer » les cas de suicides. Y compris auprès des médias, comme le raconte une ancienne attachée de presse dont le travail, dans ces circonstances, était clairement d’étouffer les affaires.Au lendemain de l’émission, les éléments de langage tombaient dans les services, sous forme d’un « message à lire aux factrices et aux facteurs » envoyé par la direction de la branche courrier aux cadres locaux. Une initiative qui a eu pour principal résultat d’augmenter la colère des agentEs. Il faut dire que les auteurs de ce « message » se vautrent allègrement dans le mensonge, en niant l’existence du désormais fameux algorithme pour calculer les tournées, dont il est beaucoup question dans ce reportage. Pas étonnant que La Poste soit tendue sur le sujet. Cet aspect renvoie à une question centrale, celle du calcul de la charge de travail (ou, en l’espèce, celle du vol de temps de travail).Aujourd’hui Philippe Wahl, le PDG de La Poste, est clairement en difficulté. Il serait on ne peut plus normal qu’il réponde de ses actes, en même temps que son équipe, et aussi son prédécesseur Jean-Paul Bailly. Ces dirigeants sont tout aussi responsables que ceux de France Télécom. Mais, avec un État, actionnaire majoritaire, qui se fait depuis des années le complice de leurs agissements, ils peuvent se sortir de cette situation délicate. Il faut donc agir pour peser sur les événements. Deux fédérations syndicales (CGT et SUD) appellent à la grève le 24 septembre sur les retraites, date dont pourraient se saisir les postierEs y compris sur leurs propres problématiques. Mais, pour répondre à la situation, une journée nationale de grève, portée par une vraie campagne (avec à la fois impulsion des fédérations et appropriation d’intersyndicales locales), est clairement l’enjeu.
Édouard Gautier