Jeudi 21 novembre, 500 salariéEs de La Redoute défilaient à Paris de la place Clichy au siège du groupe Pinault rebaptisé Kering, avenue Hoche. Ce rassemblement se tenait en même temps que des débrayages sur le site logistique de la Martinoire, à Wattrelos, et au siège à Roubaix.Plaques signalétiques du groupe enlevées, Pinault absent, interlocuteurs bidons : quel courage pour un des patrons les plus riches au monde ! « Pinault t’est cuit, les ch’tis sont dans la rue », « Dix, dix ans de garantie, zéro, zéro sur le carreau » étaient largement repris par des manifestantEs déterminées avec des pancartes au message on ne peut plus clair : « Pinault, on va se payer le luxe de ne rien lâcher, ton pognon, tu vas le cracher », « Entreprise familiale devenue grâce à Pinault, un chaos social »...Plusieurs représentants d’entreprises étaient présents, dont ceux de Virgin, de la FNAC, de Daxon et Relais-Colis, également filiales du pôle de distribution Redacts du groupe Kering-Pinault. Mais il y avait aussi les salariéEs d’autres secteurs de l’empire Pinault, comme ceux du théâtre Marigny à Paris, propriété de la holding Artémis qui gère les actions de la famille Pinault, venus dénoncer les 21 licenciements prévus (sur un effectif total de 47 personnes). La direction du théâtre ne proposait, en juin, aux licenciés que des reclassements « pour des vendanges ou des contrats au sein de La Redoute »...Martine Aubry, maire de Lille et présidente de la communauté urbaine Lille Métropole, a rencontré François-Henri Pinault le 12 novembre et attend que le groupe « prenne ses responsabilités » pendant qu’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, demandait au groupe de fournir des précisions sur les repreneurs et les éventuelles menaces sur l’emploi...À l’issue de la manifestation, nous avons rencontré Jean-Christophe Leroy, délégué CGT depuis 25 ans à La Redoute.Pour beaucoup, La Redoute c’est avant tout un catalogue. Quelle en est la réalité industrielle, sociale ?Oui, La Redoute, c’est un des symboles de ce qu’on appelait autrefois la vente par correspondance, devenu la vente à distance, et centrée depuis les années 90 sur la vente sur le web. La logistique, les systèmes d’approvisionnement et le mode de distribution ont été profondément modifiés avec notamment la suppression de toute relation directe avec la clientèle (fermeture des points-relais).Depuis 13 ans, les plans de suppressions d’emplois se sont succédé et les multiples restructurations ont fait passer les effectifs de 6 300 salariéEs il y a 20 ans à 2 500 aujourd’hui. Depuis 3 ans, le groupe Kering a accéléré sa concentration sur le luxe et le sport aux taux de marges plus intéressants. En cette période d’accroissement de la misère, c’est un secteur plus sûrement rentable que les produits de grande consommation.Tu évoques le nom de Kering. De quoi s’agit-il ?Kering, c’est depuis cette année le nom du groupe Pinault-Printemps-La Redoute fondé en 1994, et dont La Redoute était un des plus beau fleurons. Depuis 3 ans, François-Henri Pinault cherchait à se désengager de la distribution et il a entamé des discussions avec des fonds d’investissement et des industriels dans le but de vendre La Redoute dès cette année. Pour se recentrer sur le luxe, le groupe a multiplié la cession de ses filiales dans la distribution : vente de filiales spécialisés dans les vêtements, et fin juin, la FNAC, dont il a décidé de se séparer en octobre, est entrée en Bourse.En octobre, les organisations syndicales ont révélé le projet de Kering de céder La Redoute pour un euro symbolique, après une recapitalisation de plusieurs centaines de millions d’euros [entre 300 et 600 millions d’euros] par Kering, sans préciser la date de la cession ni le nom du repreneur. La direction de Kering prévient les syndicats que, dans le cadre de la cession de La Redoute, elle prévoit au minimum la suppression d’environ 700 postes en France et à l’étranger.Face à ce projet, que défendez-vous ?Pour nous, l’objectif immédiat, c’est de préserver le salaire de tous, de refuser toute suppression de poste de travail. À ce jour, nous n’avons aucune garantie pour notre avenir et donc notre revendication est que Pinault garantisse nos salaires pour les années à venir. À la Diam, entreprise liée au groupe, les salariés ont obtenu la garantie d’emploi pour 110 personnes avec une indemnité de 10 000 euros versée par le groupe. Par la suite, les départs ont été des départs volontaires. C’est un peu ce qui nous guide : obtenir de La Redoute la garantie de salaire pour les années à venir. Elle pourrait le faire pendant au moins dix ans. Nous refusons également tout licenciement.Pour obtenir ces garanties, quel est votre plan de bataille ?Notre idée, c’est de ne compter que sur nos propres forces. Certains se soucient de l’avenir de La Redoute sans jamais parler de l’avenir des salariés. Pour nous, La Redoute, c’est avant tout les salariés qui y travaillent, c’est leur avenir qui doit primer sur tout.Depuis des mois, nous organisons des réunions, des discussions, dans tous les services. Il s’agit d’informer tous les salariés sur les projets patronaux. Il faut convaincre les travailleurEs de la nécessité de se battre pour leurs droits, de la nécessité de la grève pour faire reculer Pinault qui est un des groupes les plus puissants. Et au-delà de La Redoute, il y a tous ceux de la filière qui sont concernés comme ceux de Daxon, de la Diam, de Relais Colis qui étaient avec nous jeudi dernier.Depuis les vacances, nous avons organisé quatre manifestations avec près de 1 000 manifestants à Lille le 7 novembre. Même si la mobilisation est la plus forte sur le site industriel, les salariés du siège social participent largement aux actions. Jusqu’à maintenant les organisations syndicales (CFDT/CGT/CFE-CGC/Sud-solidaires) ont fait en commun les propositions d’actions qui ont été validées par les assemblées générales de salariéEs. Nous, nous sommes pour l’unité construite à partir de la base, appuyée sur les discussions et les décisions des salariés. C’est ainsi que les prochaines initiatives sont actuellement en discussion dans les services.Propos recueillis par Robert Pelletier
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