Publié le Lundi 18 avril 2016 à 08h51.

Le début d’une lutte prolongée ?

« 1916, chair à canon, 2016, chair à patrons », ce slogan entendu dans les manifestations contre la loi travail résume plutôt bien la situation actuelle. Et illustre ce qui a poussé des milliers de salariés et de jeunes dans la rue contre le retour à des conditions de travail du 19e siècle.

Partout en Europe, l’heure est à l’offensive des capitalistes pour déréglementer le travail : en Grèce, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Angleterre et avant ça en Allemagne. Les gouvernements, que leur étiquette soit de droite, de gauche ou même de gauche radicale, accompagnent cette volonté. La gauche gouvernementale est prête à se saborder pour servir les intérêts de la bourgeoisie. Nous en avons l’illustration en ce moment même en France.

Pour faire passer la pilule, on nous sert ad nauseam le conte que ces sacrifices seraient nécessaires pour créer de l’emploi, et que bien des pays ayant adopté cette potion amère se porteraient tellement mieux aujourd’hui !

L’exemple de l’Italie est édifiant : le « Jobs Act » de Matteo Renzi, modifiant le CDI en diminuant ses garanties, aurait permis des créations d’emploi.  Ce qu’on oublie de dire, c’est qu’elles sont principalement dues à une politique d’exonération de cotisations sociales pour chaque CDD transformé en nouveau CDI, à raison de 8000 euros par an pendant trois ans ! C’est cette coûteuse politique qui aurait eu en 2015 un impact non négligeable sur l’emploi.

En Allemagne, exemple vanté par tous les bien-pensants libéraux, c’est la précarité qui explose avec les mini-jobs payés 450 euros maximum par mois. Le taux de chômage est en effet bas, mais au prix d’une augmentation de 50 %  du nombre des travailleurs pauvres en quelques années. Les salaires ont été tirés vers le bas, d’où une meilleure « compétitivité » des produits allemands.

Notons au passage que l’espérance de vie des Allemands les plus pauvres a diminué de deux ans en une décennie, de 2001 à 2010. Avec un âge de départ à la retraite de plus en plus élevé, les Allemands les moins fortunés bénéficieront d’une retraite plus courte. En Grande-Bretagne aussi, les chiffres du chômage sont bas, grâce à près de deux millions de contrats zéro heure, ne garantissant aucun horaire ni salaire, rendant les salariés corvéables à merci. Retour au 19e siècle, vous disait-on.

 

Une attaque concertée des capitalistes

En fait, cette offensive généralisée contre les couches populaires est une décision concertée par les capitalistes pour conserver et accroître leurs profits. Nous subissons actuellement l’une des plus grandes crises du système capitaliste depuis les années 1930, laquelle amène les patrons à tenter d’exercer un rapport de forces de plus en plus impitoyable, en imposant la précarité pour tous et un niveau d’exploitation des travailleurs encore plus élevé. Moyennant quoi les chiffres du chômage baisseront – peut-être – artificiellement.

Pour faire avaler la pilule, la répression s’intensifie contre les contestataires. Comme cette scène à la poste d’Asnières, dans le 92 : alors que des étudiants venaient informer le personnel de l’avancement de la mobilisation sur les universités, et qu’un délégué syndical Sud PTT était en train de parler, la police a fait irruption, flashballs en évidence, appelée par la direction.

De même, des arrestations arbitraires ont eu lieu le 17 mars à Metz ou à Besançon. A Nantes, un manifestant était condamné à deux mois ferme, en comparution immédiate. A Bergson, un lycée du 19e arrondissement de Paris, une vidéo a montré le tabassage en règle d’un lycéen par les forces de l’ordre. A l’université de Tolbiac, l’évacuation a été menée de façon musclée par les flics.

 

La réaction populaire se dessine

Partout en Europe, on sent la colère contre les dirigeants de droite ou de gauche qui ont fait passer des politiques d’austérité. Cela se traduit pour l’instant d’un point de vue électoral, avec la victoire de Syriza en Grèce, les votes pour Podemos en Espagne ou Corbyn en Angleterre. Et aux Etats-Unis, par ceux en faveur de Sanders. C’est l’expression d’un mécontentement profond, assurément. Il reste à le transformer  en une riposte massive et déterminée, de mêmes nature et profondeur que la détermination des patrons.

C’est ce qui commence à se passer en France. Et il est vrai que si le mouvement actuel parvenait à faire reculer le gouvernement sur sa volonté de casse du code du travail, ce serait un véritable encouragement pour tous les peuples touchés par ces mesures.

Régine Vinon