Publié le Dimanche 25 mars 2012 à 19h51.

Lejaby : la victoire par la lutte !

Dans cette entreprise d’Yssingeaux, en Haute-Loire, créée en 1975, qui ne compte en 2012 que 90 femmes et trois hommes, une lutte exemplaire par son unité, sa détermination et ses liens de solidarité, a permis le maintien de 100 % des emplois. Après avoir mené des luttes, pas toujours victorieuses (emploi, contre-réforme des retraites, salaires) quelque chose s’est passé lors de ces semaines de mobilisation. Tout est parti d’une colère contre la fermeture de leur atelier et l’injustice des licenciements.

Leur réaction vient de loin. Des luttes passées, celles de 2010, lors du dernier plan social où les salariéEs des autres sites ont attiré les projecteurs sur les Lejaby. Le 27 octobre 2011, elles manifestent au siège de Rillieux-La-Pape contre le dépôt de bilan, participent le 13 décembre au rassemblement interpro à Yssingeaux, manifestent une nouvelle fois à Rillieux le 22 décembre et se rassemblent le 4 janvier 2012 devant la préfecture du Puy-en-Velay. Le 16, c’est le tournant de la lutte. La décision d’occuper l’entreprise est votée. Après une nuit d’occupation, manifestation à la cour des Voraces, haut lieu de l’histoire des Canuts de Lyon au xixe siècle et rassemblement de colère au tribunal de Commerce. Le 18, jour du sommet « antisocial » à l’Élysée, c’est l’attente interminable au Puy, devant la permanence du sinistre Wauquiez, de la décision du tribunal de commerce. À l’annonce de la fermeture, c’est l’explosion de colère et de larmes devant les chaînes de radios et télévisions. Le 19, l’AG, unanime, demande des préretraites, la revalorisation des primes de licenciement et un plan de réindustrialisation du site.

Tous les jours, l’ensemble du personnel est présent. Campagne électorale oblige, le pouvoir prend conscience que la mobilisation risque de lui coûter cher. L’AG adresse une première lettre ouverte au président. Le ministre Wauquiez, qui annonçait quinze jours plus tôt que le travail et les « charges » étaient trop chers en France, se rend à l’entreprise pour annoncer neuf projets de reprise ! La presse nationale et internationale couvre quotidiennement les événements d’Yssingeaux. Le 29 janvier, lors d’un de ses sketches télévisés, Sarkozy annonce qu’il ne laissera pas tomber les Lejaby d’Yssingeaux. Le lendemain, dans une nouvelle lettre ouverte, l’AG lui demande du concret. L’histoire s’accélère, le ministre présente le repreneur Rabérin comme sous-traitant du groupe LVMH de Bernard Arnault, l’ami du président... Les sacs de luxe Vuitton remplacent les soutiens-gorge Lejaby. Toutes les salariées seront reprises en CDI le 1er mars. C’est une victoire totale. Pour remercier ceux qui les ont soutenues, habitants, associations, commerçants, une dernière manifestation est organisée à Yssingeaux, puis une journée porte ouverte de l’entreprise où participent plus de 1 200 personnes ! Une délégation est invitée à l’Élysée. Les salariées d’Yssingeaux s’extirpant de Sarko et de ses ministres, en profitent pour parler seules à la presse pour rappeler le sort des autres sites Lejaby. Elles refusent d’être utilisées pour faire oublier le bilan catastrophique de l’emploi du quinquennat qui enfin s’achève. Le 9 février, après une manifestation de soutien à Lyon pour les autres salariées, s’ouvre la négociation sur les conditions de reprise et de nouveaux contrats de travail. Les salaires de base sont maintenus, comme le 13e mois.

Le travail a repris le 1er mars aux Ateliers du Meygal, nom de la nouvelle société. Le seul point politique négatif est de ne pas avoir réussi à convaincre toute la gauche de venir unie pour les soutenir.Bien sûr, la situation électorale leur a été favorable, mais cette victoire est bien la leur. Leur outil est un syndicat (l’UD CGT43), unitaire et combatif qui de bout en bout les a aidées concrètement à construire et poursuivre leur mobilisation jusqu’à la victoire. Un combat qui paraissait perdu d’avance s’est transformé en victoire totale car elles l’ont mené toutes ensemble ! Leur mode opératoire est la clé de la réussite...

Correspondant