Nouvelle tempête pour l’industrie automobile européenne. Licenciements et fermetures d’usines n’ont pas cessé depuis la grande crise de 2008-2009, à un rythme inégal selon les pays et les firmes.
La nouveauté est que l’Allemagne, pays industriel et automobile le plus puissant d’Europe est aujourd’hui atteint par la crise. Et la France et l’Italie ne sont pas épargnées.
Chute des ventes
Avant la pandémie, 15 millions de voitures étaient vendues en moyenne chaque année en Europe. Depuis, la moyenne se situe autour de 12 millions, alors que les capacités de production sont restées globalement stables. Volkswagen et les autres firmes automobiles allemandes ont compensé par des investissements et des ventes en Chine : 40 % de la production mondiale de Volkswagen y est effectuée, principalement à destination de ce pays-continent. La nouvelle concurrence chinoise casse cet eldorado.
Cumul des difficultés : l’arrêt des primes cadeaux aux acheteurs de ces véhicules au prix moyen de 35 000 euros a entraîné une chute des ventes en Allemagne de 70 % par rapport à l’année précédente. Pour toute l’Europe la baisse est de 40 %.
Les salariéEs paient la casse
Au lieu de revoir leurs plans et, pourquoi pas, de chercher à produire autre chose que des voitures, Volkswagen s’est retourné contre ses salariéEs, près de 300 000 en Allemagne. La firme voudrait fermer l’usine Audi située en Belgique et trois autres usines en Allemagne. Une première dans l’histoire de la marque ! Elle a dénoncé les accords contractuels passés avec le syndicat IG Metall. Celui-ci a déclaré se préparer à une « résistance massive ». Les capacités de mobilisation et d’organisation d’IG Metall sont bien supérieures à celles des fédérations de la métallurgie des syndicats français. Preuve en avait été fournie, il y a deux ans, par la grève obtenant des augmentations de salaires de près de 8 %. En Belgique une manifestation de soutien à ceux et celles de l’usine Audi a réuni 10 000 participantEs.
Ces derniers mois, en France, avec un gouvernement démissionnaire sur des semaines, ce fut une suite de fermetures d’usines chez les équipementiers automobiles. Dès le mois de mai, la dernière usine automobile de Seine-Saint-Denis, MA France, fournissant notamment des pièces d’emboutissage pour l’usine Stellantis de Poissy, était mise en liquidation : 400 emplois supprimés — 280 CDI et 120 intérimaires. L’usine est toujours occupée. Dans les Ardennes, les deux sites de l’usine Walor à Vouziers et Bogny-sur-Meuse fabriquant des pièces de fonderie pour les moteurs thermiques sont menacés de fermeture : 235 emplois en cause. À Strasbourg, l’usine Dumarey Powerglide fabriquant des boîtes de vitesses est étranglée par l’arrêt des commandes de l’équipementier allemand DF, qui lui-même supprime 15 000 emplois en Allemagne. En cours de discussion : 300 licenciements prévus sur un effectif total de 500.
Et Valeo voudrait fermer trois sites dont deux usines situées dans la Sarthe et en Isère ainsi qu’un centre de recherches dans les Yvelines. 1 200 emplois sont directement menacés. Valeo, qui a réalisé en 2022 un chiffre d’affaires de 20 milliards d’euros, emploie 109 000 salariéEs répartis dans 32 pays. Les mesures annoncées ne sont pas des cessations d’activités mais des délocalisations.
Résistances
Des débrayages ont eu lieu dès l’été dans les sites menacés. Un premier rassemblement d’ampleur nationale devant le siège de Valeo a réuni près de 300 participantEs, avec des prises de parole notamment de la secrétaire de la CGT Sophie Binet et du responsable Sud de l’usine Stellantis de Poissy Jean-Pierre Mercier, également porte-parole de Lutte ouvrière, et d’une députée LFI. Cette initiative a été comprise comme un premier pas vers les résistances à amplifier dans les différents établissements.
Les conditions de cette mobilisation indispensable donnent la mesure de la désynchronisation entre la polarisation politique aiguisée par les pratiques antidémocratiques de Macron et les luttes sociales tout en défensive contre des attaques patronales qui s’intensifient.
Une prochaine échéance mobilise déjà les équipes militantes de la filière automobile, celle du 17 octobre devant le Mondial de l’automobile. Ce sera le moment d’exprimer pour celles et ceux qui produisent leurs revendications contre les fauteurs de licenciements et de dégâts pour le climat. « Sans nous pas de bagnoles », mais sans eux — les patrons et les actionnaires —, tout serait possible pour satisfaire les besoins de la majorité de la population.
Jean-Claude Vessillier