Les salariés de Ford Bordeaux (Gironde) ont réussi, grâce à deux années de mobilisation intense, à empêcher la fermeture de leur site et à maintenir jusqu’ici tous les emplois. Des camarades de la section CGT de l’usine font un bilan d’étape. Le 1er mai 2009 restera une date décisive pour les 1 620 salariés Ford du site de Blanquefort (près de Bordeaux), celle de la reprise de leur usine par la holding allemand HZ, l’ancien PDG restant à la tête de la nouvelle société appelée First. Le repreneur s’est engagé à préserver tous les emplois du site. C’est le résultat d’une mobilisation de près de deux ans, de février 2007 à la manifestation du 20 décembre 2008, contre la fermeture du site. Après les interventions du gouvernement, des élus de la région, de la direction de Ford Europe, l’usine a été sauvée et tous les emplois sauvegardés. Au moment où l’ambiance est plutôt à la fermeture des sites et aux licenciements, nous voulons témoigner des raisons de ce succès encore fragile. Nous avons dû passer d’une phase de lutte contre la fermeture du site par une direction arrogante et méprisante à une phase de mobilisation pour la surveillance d’un processus de désengagement et de reprise plein d’incertitudes. Avec le CE, nous avons bataillé pour la transparence et des garanties pour la totalité des emplois. Le tout sans mobilisation intersyndicale en appui, les autres syndicats subissant les pressions de la direction. Il fallait aussi faire vite pour ne pas donner de prétexte à un désengagement du repreneur. L’avis favorable au plan de reprise a été voté par la majorité du CE mais pas par la CGT. Après de longs débats et la distribution d’un quatre pages bien perçu par les salariés, nous avons montré qu’il était possible de résister, de défendre une politique industrielle et une intervention des pouvoirs publics pour l’emploi. La CGT Ford a été beaucoup critiquée par la direction (et les autres syndicats !) pour sa combativité : 36 actions en treize mois, 57 parutions de tracts ou de notre journal Bonnes Nouvelles, multiples interventions dans les médias. Nous avons été présents sur tous les fronts. Nous n’avons pas opposé les actions des Ford et la participation à des actions extérieures (manifestations nationales du 29 janvier et 19 mars 2009, rassemblements de soutien aux luttes Labinal, 3A, Molex, New Fabris, Goodyear, Freescale, GM, Fonderies du Poitou). Pour nous, la défense de nos emplois passait par la défense des emplois de tous. D’autant plus que l’activité de notre usine concerne près de 10 000 emplois industriels. Malgré les retards dans les différents projets et la baisse de production pour Ford, 2009 s’est passé sans chômage partiel, sans suppression d’emplois, sans attaque majeure contre les conditions de travail. Notre détermination a obligé la direction et les pouvoirs publics à s’engager dans un processus de reprise. Mais rien n’est joué, nous devons maintenir la pression sur tous les terrains : formation, bataille pour un accord de substitution aux accords collectifs n’entérinant pas de multiples reculs, mise en place d’un comité de suivi contrôlant la politique industrielle de Ford et HZ notamment pour empêcher les externalisations. Le soutien des structures locales et fédérales de la CGT n’est pas inconditionnel et le travail avec les autres syndicats de l’entreprise, difficile.Après deux ans de lutte, nous n’avons pas perdu mais nous n’avons pas encore gagné. Nous devons maintenir notre mobilisation y compris vers l’extérieur, créer des liens avec les autres entreprises en lutte, coordonner les actions, bref, tout ce que craignent les patrons. Aujourd’hui, notre situation reste très préoccupante. Les projets ne se concrétisent pas et la direction semble complètement perdue. Après avoir crié victoire, il y a un an, les pouvoirs publics (gouvernement, région) sont absents. L’ambiance dans l’usine est à l’inquiétude et à la résignation. Mais la mobilisation ne doit pas cesser malgré ces conditions difficiles. Correspondants
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