Publié le Jeudi 6 juillet 2017 à 10h21.

Ordonnances : « Dialogue social » ou mobilisation à la hauteur des enjeux

La procédure des ordonnances permet au pouvoir d’entretenir l’opacité sur le contenu précis des mesures qui seront imposées par cette disposition particulièrement antidémocratique. Une situation largement favorisée par l’attitude des organisations syndicales qui non seulement acceptent ce « dialogue social » et, pour certaines, en font même l’apologiet.

L’attitude des directions syndicales ne favorise pas une mobilisation déjà rendue difficile par les bilans non tirés de mobilisations précédentes.

C’est pas à Matignon... 

Pour certaines organisations syndicales, la participation à toutes les formes de concertation avec l’État ou avec les directions d’entreprise fait ainsi partie des traditions. Une tradition qui repose d’abord sur une vision de l’entreprise, des relations entre salariéEs et patrons, dans laquelle les objectifs, les intérêts sont largement partagés. Dans le système français de concurrence entre plusieurs organisations syndicales nationales, la « bonne volonté » des responsables syndicaux est aussi un gage de l’existence même de ces syndicats. 

Au niveau national, l’ensemble du système de « dialogue social » alimente largement en nombre de postes et en financement les organisations complaisantes : Conseil économique social et environnemental (CESE), Commission supérieure des conventions collectives, Conseil d’administration de la Sécurité sociale, gestion de l’assurance chômage, etc. et structures paritaires multiples de la fonction publique avec des déclinaison régionales. À de nombreuses reprises, l’enjeu de mobilisations syndicales a tourné autour du maintien de positions dans ces « places fortes » (comme FO en 1995).

Parallèlement, la logique du « dialogue social » est très présente dans les entreprises avec notamment les comités (centraux) d’entreprise, de groupe, d’administration, etc. Le recours aux syndicats « maison » s’est relativisé au profit d’une plus grande intégration des syndicats « traditionnels ». La place est occupée par FO, la CFTC, la CFE-CGC, et de plus en plus par la CFDT. Dans le même temps, les évolutions sociologiques donnent un poids croissant à la CFE-CGC, parfois même aux dépens de la CFDT (comme à Renault Guyancourt).

La quasi-disparition, largement accompagnée par la CGT, des secteurs d’État, nationalisés, réduit les positions syndicales, leur influence et leurs moyens, notamment pour la CGT. Là aussi, évolutions sociologiques et politiques d’éclatement contribuent encore davantage aux pertes de positions de la CGT.

Bouleversement ?

La loi de 2008 confortait le système existant en tentant de renouveler les critères de validation des organisations syndicales au bénéfices des « grandes confédérations ». Le bilan est maigre, si l’on excepte la difficulté pour les petites structures, d’autant lorsqu’elles sont un tant soit peu combatives, à s’implanter dans les entreprises. Si la mise en cause des prérogatives des organisations syndicales et des institutions représentatives du personnel (IRP) a été continue depuis des années, un saut qualitatif pourrait être franchi avec les ordonnances Macron-Philippe-Pénicaud. La primauté donnée aux accords d’entreprise dans de nombreux domaines, la diminution et la réduction drastique des prérogatives des IRP, la possibilité extensive de mise en œuvre de référendum, viennent compléter la facilitation des licenciements et la mise en cause du CDI. Les misérables contreparties, sous la forme de prime donnée à l’institutionnalisation du syndicalisme, ne sauraient tromper personne, sauf des directions syndicales prêtes à tout cautionner ou accrochées à leurs postes à un Conseil économique social et environnemental mis en valeur par Macron devant le Congrès..

Construire les résistances

Dans le contexte de la crise économique et politique, les sacrifices exigés à l’encontre des travailleurEs impliquent une double nécessité : une politique de répression qui profite de la menace du terrorisme pour s’appliquer à toutes celles et ceux qui s’opposent aux régressions sociales ; une domestication des organisations censées aider à la constructions des résistances, au premier rang desquelles les organisations syndicales.

Le comportement de ces dernières dans la pseudo-concertation engagée confirme leurs choix passés : la CFE-CGC, FO, la CFTC et la CFDT en acceptent totalement le cadre, se félicitant ici ou là d’« avancées », de « garanties » ; la direction confédérale CGT se refuse à rompre clairement avec cette attitude. 

Au prétexte de l’absence d’unité syndicale, du bilan des mobilisations précédentes, de la difficulté à rassembler public et privé, la direction refuse de montrer clairement son opposition aux projets Macron, en continuant à participer à la pseudo-concertation et en tergiversant dans la mise en place d’un calendrier qui permette de donner la possibilité à la mobilisation de se développer. Des luttes et des résistances partielles existent, des cadres unitaires se construisent. Plutôt que de commenter et mettre en garde, la CGT aurait dû proposer, au côté de Solidaires, des associations et des partis politiques qui refusent les reculs programmés par le pouvoir, des initiatives permettant de surmonter les divisions, les hésitations. Penser qu’en refusant le combat on pourrait éviter la défaite est une erreur profonde. Améliorer le rapport de forces ne passe pas d’abord par la syndicalisation, les négociations à froid mais par les mobilisations. Construire la réussite du 12 septembre, c’est aussi en préparer les suites.

Robert Pelletier