Le ministère du Travail vient d’autoriser la fermeture du site Philips à Dreux (Eure-et-Loir), se rangeant clairement du côté des actionnaires et des patrons licencieurs. Manuel et Nathalie, du syndicat CGT Philips, expliquent la situation. En guise de cadeau de Noël, vous venez de recevoir une décision du ministère du Travail. De quoi s’agit-il ?Nous venons de recevoir la décision prise à l’issue d’une enquête concernant le licenciement des salariés de Philips Dreux pour motif économique. Le ministère considère que la fermeture du site de Philips électronique grand public (EGP) de Dreux, spécialisé dans la production de télévisions à écran plat, est bien justifiée dans le cadre des actions structurelles menées par le groupe pour mettre fin à la détérioration de ses résultats. Cette décision nous est parvenue avec plus d’un mois de retard par rapport au délai maximum ce qui, normalement, signifiait le refus des licenciements. Elle fait suite au recours hiérarchique formé par Philips après le refus par l’inspection du travail du licenciement d’élus du personnel pour motif économique. Contre toute attente, le ministère a ainsi remis en cause la décision de l’inspection du travail. Celle-ci, retenant l’argumentaire du cabinet d’expertise économique qui appuyait le comité d’entreprise (CE) et s’appuyant sur les décisions des tribunaux récusant la validité des décisions économiques et sociales de Philips, avait rejeté les licenciements. C’est donc seul contre tous que le ministère vient donner gain de cause à la décision de Philips de fermer le site en cautionnant l’argumentaire développé par l’entreprise. En pratique, qu’est-ce que cela signifie ?Cela signifie tout simplement la fermeture définitive du site de Philips Dreux. Il s’agit d’une décision de complaisance visant à affaiblir les dossiers de contestation des licenciements en cours devant différentes juridictions. Mais cela illustre surtout la complète complicité du gouvernement avec Philips pour la défense du fric et des intérêts de la multinationale au détriment des milliers de travailleurs sacrifiés.Quels sont les enjeux, plus politiques, de cette décision ? Cette décision du ministère est une agression supplémentaire contre les travailleurs. Ceux de Philips Dreux, comme de nombreux travailleurs en France, se sont battus avec acharnement ces dernières années dans des centaines de combats contre les licenciements. Ces luttes sont pourtant restées malheureusement le plus souvent isolées et ont débouché dans beaucoup de cas sur des défaites. Cela nous conforte dans l’idée qu’il ne suffit pas d’avoir des méthodes de lutte radicales mais que les travailleurs doivent se fixer des objectifs radicaux. Face à une fermeture d’usine, il ne faut pas se résigner à négocier les meilleures conditions de départ, mais lutter pour empêcher la fermeture et tout licenciement. Pour cela, il est impératif de développer l’auto-organisation des travailleurs en lutte en même temps qu’on se bat pour construire des syndicats lutte de classe, en les arrachant à ceux qui défendent leurs petits intérêts et non pas ceux des travailleurs. À tous ceux qui disent qu’il ne faut pas mélanger politique et syndicalisme, nous répondons que la seule façon de faire avancer le syndicalisme dans le sens d’un combat global des travailleurs, c’est de s’attaquer au cœur du problème, c’est-à-dire au système dont la seule logique est d’enrichir une poignée d’actionnaires au détriment de la vie de millions de travailleurs. Nous pensons que les travailleurs doivent prendre en main leur destin et montrer, comme on a essayé de le faire à une petite échelle à Philips, qu’ils peuvent gérer leur travail et leur vie sans avoir besoin des parasites capitalistes. C’est un combat éminemment politique. Il faut faire la démonstration que les licenciements ne sont pas une fatalité et que les fermetures d’entreprise ne sont pas un horizon indépassable. L’auto-organisation de la lutte ouvre la voie au contrôle ouvrier, porte le germe d’une société nouvelle possible, basée sur la propriété collective et sur la gestion ouvrière et populaire de toutes les entreprises. À travers le contrôle, les réquisitions et l’appropriation collective des entreprises, les travailleurs mettent en avant le problème du pouvoir, de l’État et de l’organisation de toute la société. Que comptez-vous faire maintenant ?Nous allons continuer à nous défendre et défendre les intérêts de la classe ouvrière par la voie de la lutte de classe, sans abandonner les possibilités offertes sur le terrain juridique. Nous appelons aussi les partis de gauche et d’extrême gauche à mettre toute leur énergie aux côtés de la classe ouvrière qui lutte. Malgré cette nouvelle attaque, nous gardons espoir. La classe ouvrière a démontré lors du mouvement contre la réforme des retraites, à ceux qui l’avaient enterrée, qu’elle était toujours bien vivante. Et nous sommes convaincus qu’un jour la classe ouvrière vaincra, à commencer par les salariés de Philips qui ne lâcheront rien ! Propos recueillis par Robert Pelletier
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