Pendant dix-neuf jours, du 19 décembre au 6 janvier, jour et nuit, sept jours sur sept, malgré les températures négatives et la neige, les salariées, majoritairement des femmes, se sont relayées sur les piquets. Après l’annonce de 190 suppressions de postes, elles ont lutté pour arracher des indemnités de départ conséquentes face aux miettes proposées par la direction. Des années durant, Pimkie a engrangé les bénéfices. La société fait partie du groupe Mulliez, qui n’a jamais connu la crise (première fortune de France selon le magazine Challenges) et possède aussi Auchan, Décathlon, Flunch et tant d’autres. C’est pourquoi, si l’annonce de la suppression de 190 postes a été souvent accueillie avec résignation, la proposition d’une indemnité de 10 000 euros, plus 550 euros par année d’ancienneté, a été ressentie comme une insulte provocatrice par toutes les salariées. Au même moment, les salariées de Xanaka, autre enseigne de prêt-à-porter du groupe, basée elle aussi à Neuville-en-Ferrain, confrontées également à un plan de suppression de 100 emplois, arrachaient, après trois jours de grève et de blocage, 20 000 euros de prime et 2 400 euros par année d’ancienneté. C’est cet exemple qui a lancé le mouvement des Pimkie et nourri leur détermination à « faire casquer l’empire des Mulliez ». Elles ont multiplié les initiatives pour occuper le terrain et médiatiser leur lutte : opération escargot sur l’autoroute, manifestations devant les magasins de Lille, visite à Estaimpuis (Belgique), petit paradis fiscal où une grande partie de la famille Mulliez s’est installée pour échapper au fisc français. La lutte a rencontré la sympathie et le soutien de nombreux syndicats et partis de gauche mais aussi de dizaines d’anonymes qui ont soutenu financièrement les grévistes et leur ont rendu visite sur les piquets, notamment le soir des réveillons de Noël et du Jour de l’an. Après dix-neuf jours de grève, la direction proposait 20 000 euros et 1 000 euros par année d’ancienneté alors que les salariées réclamaient respectivement 35 000 et 2 400 euros ainsi que le paiement des jours de grève. Au même moment, les représentants socialistes du conseil régional montaient au créneau pour… proposer de financer une partie des congés de reconversion et une « plateforme de mobilité professionnelle » pour les salariées licenciées, manière d’exonérer le groupe Mulliez de ses responsabilités et d’utiliser l’argent public pour accompagner ses mauvais coups ! Avant même que les grévistes aient pu se prononcer sur la proposition de la direction, les délégués CFDT et FO se sont empressés de signer, contrairement aux engagements pris devant l’assemblée générale. Seule la représentante de la CGT est restée fidèle à cet engagement en refusant d’appeler à la reprise du travail, malgré les pressions et les menaces de la direction. Aurait-il été possible d’arracher plus ? Sans doute. Le sentiment de ne pas être allé jusqu’au bout des possibilités du mouvement, alors que bien des grévistes étaient déterminées à continuer, est partagé par de nombreux salariées. Le comportement de l’intersyndicale a pesé dans le choix des grévistes qui se sont prononcées à 76 voix contre 38 pour la levée des piquets. D’autre part, le changement de l’heure de la dernière assemblée générale a privé une cinquantaine de salariés de leur droit d’expression. La fatigue accumulée, l’intransigeance et le chantage d’une direction paternaliste et cynique ont fait que les grévistes n’ont pas pu reprendre directement en main la direction de leur lutte et continuer, malgré la colère et l’amertume suscitées par l’attitude de certains représentants syndicaux. Reste que, grâce à leur détermination, les Pimkie ont arraché à la direction le double de ce qui était proposé initialement et que l’expérience accumulée sera précieuse pour toutes les salariées qui ont participé à cette lutte. Raymond Adams