Publié le Jeudi 17 mars 2022 à 19h00.

#Poutou2022 : une vision à l’opposé de celle des patrons de la filière automobile

Philippe Poutou était invité à intervenir lors de la « Journée de la filière automobile », le lundi 14 mars. Il n’a pas pu s’y rendre, mais voici le courrier que le NPA a adressé aux organisateurs de la journée.

Philippe Poutou est ouvrier, licencié de l’industrie automobile. Les représentants patronaux des constructeurs et équipementiers, qui veulent l’avis de candidats à la présidentielle, ne seront pas étonnés que nous n’ayons à leur faire aucune promesse de nouvelles subventions ou aides de l’État. En effet, ils ont déjà tant reçu, en même temps qu’ils ont tant licencié !

Pour commencer, rappelons que les voitures que nous utilisons sont et ont été produites dans les usines d’ici comme d’ailleurs (Roumanie, Tchéquie, Maroc Turquie… pour Renault et PSA) par des travailleurEs de toute nationalité. Notre fierté est d’affirmer notre solidarité face aux poisons racistes portés dans cette campagne présidentielle.

La crise, mais quelle crise ?

75 000 emplois ont été supprimés dans l’industrie automobile depuis 2008, près de 30 % des effectifs. Les patrons du secteur automobile parlent beaucoup de la « crise de l’industrie automobile » pour justifier les charrettes de licenciements. Mais de quelle crise parlent-ils ? Après avoir explosé dans les années 1950-1960 en Europe, dans les années 1990-2000 en Chine, le rythme des ventes s’est-il ralenti ? C’est de la crise de leur marché, intéressé par les seuls profits, qu’ils s’inquiètent en réalité.

Ces derniers mois, tout un secteur a été détruit, celui des fonderies travaillant pour Renault et PSA (Fonderies de Bretagne, du Poitou, MBF dans le Jura, SAM dans le bassin de Decazeville où l’emploi était déjà sinistré). L’argument du « passage à l’électrique » ne tient pas pour ces usines aptes à produire des pièces en aluminium pour ces voitures nouvelle génération. C’est maintenant au tour de l’usine de moteurs de PSA-Stellantis installée à Douvrin, du centre technique Renault de Lardy.

Ces restructurations faites à coups de licenciements (Ford qui a fermé l’usine où Philippe Poutou travaillait, PSA et Fiat-Chrysler qui profitent de leur fusion pour fermer des usines…), c’est le grand jeu de Monopoly des profits.

Mais ce n’est pas la crise pour tout le monde : 13,4 milliards de bénéfices en 2021 pour Stellantis, bien plus que les bénéfices cumulés des deux groupes d’avant, PSA et FIAT.

Des modernisations, des reconversions industrielles pour les profits ou pour les besoins ?

L’industrie automobile se moderniserait, aurait besoin de se restructurer. Mais en fonction de quoi ? Pourquoi tous les progrès techniques, augmentation de productivité, développement d’un nouveau type de voitures, se traduisent-ils par des reculs sociaux ? Alors qu’ils devraient permettre de produire mieux en travaillant moins : nous revendiquons le partage du temps de travail entre tous et toutes sans perte de salaire, car aujourd’hui on produit en 30 heures plus de richesse qu’on n’en produisait en 40 heures il y a 25 ou 30 ans.

La voiture électrique n’est pas « LA » solution « écologique » au déplacement individuel si on tient compte de l’extraction des matériaux (lithium, cobalt) pour la fabrication des batteries, la gestion des déchets et la production d’électricité par des centrales nucléaires en France, au charbon en Allemagne. Sans oublier les conditions de travail scandaleuses dans les mines d’extraction des minerais nécessaires. Hier on faisait du tout-thermique et en France surtout du tout-diesel (en fonction des taxes sur les carburants) avant que n’éclate le « dieselgate ». On ne ferait plus aujourd’hui que du tout-électrique, dans la concurrence entre producteurs mondiaux pour s’arracher ce nouveau marché, arrosé de subventions étatiques : celles-ci financent les achats de voitures électriques vendues plus de 30 000 euros. Une solution réservée aux plus riches !

Des transports au service de la société

Il y des besoins de mobilité à satisfaire pour toutes et tous. D’ailleurs le nombre de voitures en circulation continue d’augmenter : le parc automobile mondial est passé de 33,6 millions de voitures en 2010 à 36,3 millions en 2020. Les voitures en circulation sont de plus en plus anciennes donc plus polluantes : il faudrait donner à la population les moyens de renouveler ou de changer de mode de transport. On en revient au problème des salaires, et à celui de la surexploitation et des bas revenus dans les pays pauvres.

Au-delà de la voiture individuelle, il y a le développement nécessaire des transports collectifs. Trop souvent on ne choisit de se déplacer en voiture que faute de transports en commun. Là aussi, c’est la même loi du profit qui domine : insuffisance des services publics, mainmise des entreprises privées au détriment des usagerEs et de celles et ceux qui y travaillent.

Notre « vision » en matière d’industrie automobile, c’est celle du monde du travail :

– l’interdiction des licenciements ;

– un secteur industriel soucieux des conditions de travail et de vie de celles et ceux qui y travaillent, sur le plan de la santé, de l’augmentation générale des salaires, de l’abaissement de l’âge de la retraite, de la réduction du temps de travail ;

– une production automobile et une organisation des transports en fonction des besoins de la population et sous son contrôle et celui de celles et ceux qui y travaillent, qui tienne compte de l’urgence écologique.

Elle est clairement opposée à celle du patronat et des actionnaires de la filière automobile.