Publié le Mardi 30 janvier 2018 à 20h15.

Ruptures conventionnelles collectives : refusons le permis de licencier !

La Rupture conventionnelle collective (RCC) est applicable depuis le début de l’année. Elle fait la « Une » : Pimkie (208 salariéEs), PSA (1 300), mais aussi le groupe Figaro, les Inrocks ou la Société Générale.

Si dans le premier cas, Pimkie, la RCC n’a pas été acceptée par les organisations syndicales, chez PSA, les syndicats favorables à l’accord (FO, CFDT, CFTC, GSEA) totalisant 58 % des voix, elle est sur les rail. Il faut en effet un accord majoritaire (signé par des organisations représentant plus de 50 % des voix) pour mettre en œuvre ces plans de licenciements (mal) déguisés.

Les patrons l’aiment...

La direction de l’entreprise qui estime avoir besoin de se « réorganiser » définit le nombre de salariéEs concernés et les critères qui seront appliqués. Une fois l’accord syndical obtenu, il ne reste à la DIRECCTE (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) qu’à le valider. Enfin, c’est encore le patron qui acceptera, ou non, les candidatures. « L’outil plaît aux chefs d’entreprise », titre la Tribune, qui annonce que 62 % d’entre eux sont favorables à la RCC (« Grande Consultation » réalisée par Opinion Way pour CCI France/La Tribune/Europe 1). Il n’est pas étonnant que ce dispositif, qui n’exige ni justification économique ni contrôle judiciaire, ait la faveur des patrons. Sécurisation, simplification, suppression des contraintes, flexibilité : toute la panoplie libérale leur est offerte. 

Et les salariéEs ?

Muriel Pénicaud, défendant les RCC, a déclaré, au micro d’Europe 1, sur le ton de l’évidence « [que] si tout le monde est d’accord, éviter le traumatisme du licenciement, c’est quand même mieux » : le retour de la fable du gagnant-gagnant, des rapports apaisés entre patrons et salariéEs… Cette même fable est aussi convoquée pour vanter les mérites des ruptures conventionnelles individuelles. Ce dispositif qui permet de mette fin à un contrat à durée indéterminée « d’un commun accord » entre le ou la salariéE et l’employeur, est à l’œuvre depuis 2008. Le nombre de ces ruptures « ni licenciement, ni démission » est en progression constante : en 2017 leur nombre a augmenté de 7,9 % par rapport à 2016, pour atteindre 420 900, soit 2,9 millions depuis leur création. Au-delà des chiffres bruts, il est nécessaire de se pencher sur ce que dissimule un tel « succès ».

Vous avez dit « consentement » ?

Une enquête Dares réalisée en 2012 auprès de 4 502 salariéEs signataires d’une rupture conventionnelle homologuée cherche à faire la lumière sur le « consentement du salarié à la rupture conventionnelle ». Selon cette étude, 34 % des ruptures s’apparenteraient à des licenciements : autant dire qu’on est loin du consentement ! Dans les situations de ruptures plus proches de la démission (38 % des cas) on peut aussi s’interroger sur le consentement quand, pour de plus en plus de salariéEs, malgré la menace d’un chômage de moins en moins bien indemnisé, la rupture peut apparaître comme la moins mauvaise solution tant les conditions de travail sont devenues destructrices. L’étude conclut que dans tous les cas, elle représente « un outil puissant de destruction du CDI » et constate que, depuis 2008, la rupture conventionnelle joue « un rôle non négligeable dans l’augmentation statistique du chômage ». En réalité, c’est bien tout le baratin sur la « flexi­-sécurité », censée réduire le ­chômage, qui est démenti.

« Un idéal de rupture pacifiée »

Les chercheurEs rappellent utilement que le fait que « l’employeur et le salarié [puissent] convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie » a longtemps a été « jugé inapplicable » au contrat de travail à durée indéterminée, et que cet « idéal de rupture pacifiée » veut réhabiliter « le modèle civiliste égalitaire de l’autonomie de la volonté, effaçant la dimension inégalitaire inhérente au contrat de travail ».

Collective ou individuelle, la rupture conventionnelle n’est pas qu’un outil de plus pour faciliter les licenciements : elle est un élément central de la transformation néolibérale de la société, qui fait du travail une marchandise comme les autres, échangée « librement » sur un « marché du travail » où les individus sont isolés et privés de droits collectifs. Face à ce rouleau compresseur, il faut évidemment réaffirmer que le seul contrat de travail doit être à durée indéterminée et que tous les licenciements doivent être interdits. Au-delà il faut remettre au centre de nos combats tout ce qui donne la priorité à nos conditions de vie : la réduction collective massive du temps de travail, le salaire à vie, et aussi le débat sur la finalité de la production et son autogestion. 

Christine Poupin