Entretien. Responsable CGT dans l’usine Saint Louis Sucre (Marseille 15e), Fabien revient sur la mobilisation des travailleurs de l’usine pour leurs emplois.
Quelles sont les raisons de votre lutte ?
La direction de l’usine nous a appris en début d’année qu’elle voulait supprimer l’activité « raffinage » pour se limiter au conditionnement. Cette décision est liée à la réforme du Règlement sucrier qui en 2018 autorisera la libéralisation totale de l’activité, actuellement soumise à des quotas nationaux. La direction estime qu’avec cette nouvelle réglementation, les prix du sucre vont monter, rendant le raffinage moins rentable.
Quelles conséquences pour l’emploi ?
Pour nous, cela signifie passer de 129 emplois actuellement à 52, si l’on ne garde que le conditionnement, soit une perte de plus de la moitié, dans une ville et un département déjà gravement touchés par le chômage1.
L’usine ne serait dès lors plus alimentée que par du sucre déjà raffiné qui arriverait par conteneurs, et du sucre de betterave raffiné dans le nord, ce qui se traduirait par le trafic supplémentaire d’environ 1 400 camions. Sans compter que le sucre de betterave dépend d’une activité saisonnière de septembre à janvier.
Quelle a été votre riposte ?
La CGT s’est tout de suite opposée à cette décision. Le Groupe Sud-Zucker auquel appartient l’usine, a distribué en 6 ans 889 millions d’euros de dividendes à son actionnaire principal. Ses finances ne sont donc pas en péril. Le Comité central d’entreprise a donc missionné le cabinet Progexa qui a déjà travaillé avec Fralib et les Moulins Maurel, et son rapport a été sans appel. La direction est incapable de montrer que le raffinage lui fait perdre de l’argent.
La CGT a élaboré un plan alternatif pour le maintien du raffinage et son développement à hauteur de 280 000 tonnes par an à l’horizon 2018, ce qui permettrait même de développer l’emploi. La semaine dernière, nous avons fait un arrêt de travail pour présenter ce plan alternatif lors d’une conférence de presse.
Les études de l’OCDE et de la FAO établissent que la demande de sucre va aller croissante sur le marché nord-africain, plus de 2 millions de tonnes. Il y a donc tout à fait une place sur ce marché pour écouler nos productions.
Enfin, si l’on récupère le sucre venu des Dom-Tom, dont la production est d’environ 300 000 tonnes par an, cela permettrait de fiabiliser la filière, sans compter l’impact positif sur l’activité portuaire de Marseille. La direction dit qu’elle ne croit pas à ce plan, mais nous, nous ne croyons pas aux mensonges de la direction.
Comment vous situez-vous dans le cadre de la convergence des luttes ?
Nous y adhérons pleinement, en particulier avec l’union locale des Quartiers Nord, avec qui nous avons organisé ce matin, avant la manifestation, un rassemblement avec les forces progressistes des quartiers nord2.
Après la manifestation, nous avons aussi rencontré les travailleurs du port très intéressés par notre projet qui leur permettrait de maintenir une activité industrielle liée au sucre et de la développer, car elle multiplierait par trois le nombre de jours de travail au port, passant de 1 000 jours de vacation à plus de 3 000 par an.
Et là, seule la convergence des luttes, dont la CGT13 a fait un axe fort, peut offrir une issue à tous.
Propos recueillis par Déa et Jean-Marie
- 1. Marseille et sa périphérie ont vu l’agroalimentaire particulièrement sinistré depuis 12 ans : Rivoire & Carret, Nestlé, puis Net cacao, Fralib, Moulins Maurel...
- 2. Depuis janvier 2014, la CGT13 essaie d’organiser la Convergence des luttes et l’élargissement de la mobilisation aux « forces progressistes du département » : CGT, FSU, Solidaires, PG, PCF, Ensemble, NPA, Rouge Vifs, JC, Unef, Mouvement de la Paix, Attac...