Entretien. Le 30 mai dernier, le Conseil d’État rendait un arrêt confirmant définitivement l’annulation du plan de sauvegarde (plutôt de suppression !) de l’emploi que Sanofi, leader pharmaceutique mondial, aux profits faramineux, avait déjà appliqué depuis longtemps. Nous avons interrogé à ce sujet les membres du Collectif des salariéEs en lutte Antisanofric.
Ça veut dire quoi, concrètement, cet arrêt du Conseil d’État ?
Le combat mené depuis 2012 a fini par payer. Si on ne se bat pas, on n’obtient rien. Concrètement : annulation totale du plan de 2012 (signé par la CFDT et la CFTC, et validé par la Direccte) et de tous les licenciements. Tous les salariés licenciés ou en passe de l’être peuvent demander leur réintégration. Toutes celles et ceux qui estiment avoir subi un préjudice peuvent demander réparation devant les prud’hommes. Tous les accords ou autres plans qui s’appuient sur celui qui vient d’être annulé peuvent être aussi annulés.
Malgré ça, la direction vient de soumettre aux instances une nouvelle réorganisation qui supprime 300 postes restés délibérément vacants. Ces postes auraient pu servir par exemple à accueillir les salariés qui voudraient réintégrer l’entreprise. Ce sont les syndicats signataires qui, une fois de plus, se sont fait rouler dans la farine. Ils signent des accords, autorisent de fait la direction à supprimer des milliers d’emplois… Et au final, les effectifs promis par la direction ne sont même pas tenus, et les cibles sont sans cesse revues à la baisse à la moindre occasion. Et pendant ce temps, Sanofi continue d’engraisser ses actionnaires, continue de percevoir du CICE (crédit impôts compétitivité emploi) et du CIR (crédit impôts recherche).
Est-ce que l’ambiance a changé dans la boîte ?
Au niveau du site, sur Montpellier, dimensionné pour 1 800 salariés où il n’en reste que 800, rien n’a changé. Certains sont débordés par leur travail, d’autres désœuvrés. La majorité des salariés ne se rendent pas compte de l’impact que pourrait avoir cette victoire, beaucoup ne s’y intéressent même pas. On peut parler de résignation.
Ceux qui ne sont pas dupes râlent dans leur coin, soutiennent les syndicats contestataires (SUD et CGT) mais sans réelle implication. Aux dernières élections professionnelles, toutes les OS ont vu leur score électoral baisser, sauf SUD qui rafle au passage le CE. Nous avons fait une belle AG sur la loi travail avec Richard Abauzit et sur la situation juridique du PSE. Bons retours de salariés qui ont visiblement découvert de nombreux aspects de la loi El Khomri qu’ils ne connaissaient pas... mais hélas peu de conséquences. À la manif anti-loi travail qui a suivi, nous n’étions pas beaucoup plus de participants que d’habitude.
Comment poursuivre la lutte ?
Franck : Comme on peut... Rien n’est fini. Depuis un certains temps, nous sommes sur une lutte sur le fond, sur une autre manière de gérer cette société, les médicaments, la recherche... Nous ne sommes pas nombreux à nous activer, mais beaucoup nous aident tout de même. Il faudrait vraiment que chaque salarié comprenne que c’est notre société, elle nous appartient. C’est nous qui construisons sa richesse. À nous de lui donner de vraies valeurs, pas celles du profit. La lutte se poursuit en collectif, avec des syndiqués ou pas. En tout cas, l’outil syndical est très important, on peut faire sans mais c’est tout de même mieux avec.
Olivier : C’est la grande question. En ce qui me concerne, en luttant sans relâche contre la loi travail. D’abord dans la rue avec toutes les composantes du mouvement social, et ensuite dans l’entreprise pour continuer d’informer les salariés sur les conséquences de cette loi. Depuis mars, nous avons lancé des appels à la grève à chaque fois qu’une manifestation ou qu’une action était planifiée par l’intersyndicale ou par l’AG populaire Nuit debout. Ensuite par un travail plus syndical dans le cadre du CE. Personnellement, je pense que cela ne suffit pas. Nous avons besoin que les salariés expriment leur ras-le-bol de façon plus radicale. Il est grand temps d’entamer une grève générale contre le capital. On espère donc que la rentrée sociale sera chaude.
Propos recueillis par un correspondant