Les milliardaires des télécoms se portent bien... mais ils suppriment des emplois à tour de bras. Au premier rang, Patrick Drahi qui détruit 5 000 emplois chez SFR en se cachant derrière un plan de départs « volontaires ».
L’UNSA et la CFDT (syndicats majoritaires) ont signé le jeudi 4 août un texte entérinant la suppression de 5 000 postes chez SFR, soit un tiers des effectifs. Le plan se déroulera en deux phases. Les boutiques seront « réorganisées » d’ici à Noël. Environ un millier d’emplois devrait être concerné. Ensuite, 4 000 salariéEs quitteront l’opérateur, sous forme de volontariat, à partir du 1er juillet 2017. Tous pourront toucher 2,5 mois de salaire par année d’ancienneté.
Lors du rachat, de SFR en 2014, Patrick Drahi s’était engagé à ne pas mettre en place de plan social jusqu’au 1er juillet 2017. Les nouveaux modèles de gestion imposée à l’entreprise ont déjà abouti à 1 200 départs. Le nouvel « accord » est en fait un des plus gros plans sociaux des dernières années. En fait, les grandes entreprises choisissent de plus en plus le plan de départs volontaires au lieu du plan social : préférable en termes d’image et moins risqué en termes de contentieux. L’objectif de Drahi est d’économiser 400 millions d’euros par an à partir de 2018. Le plan va coûter à l’entreprise au maximum 800 millions d’euros. Il sera donc amorti en deux ans.
Quelques jours après l’annonce, l’action SFR a monté en Bourse de plus de 9 % : les actionnaires sont rassurés sur la capacité de Drahi à faire face à la montagne de dettes sur laquelle il a assis son empire et valident sa stratégie de compression des coûts, même s’il doit en résulter une dégradation du service et un recul du nombre d’abonnés (SFR en un an a perdu 861 000 abonnés mobiles et 109 000 abonnés fixes).
Avec ou sans anesthésie ?
Les deux syndicats signataires se félicitent d’avoir obtenu quelques garanties... mais ont accepté sans combat 5 000 suppressions de postes. La CGT, Sud-Solidaires et la CGC appellent à l’action par la grève ce mardi 6 septembre. La CGC parle de « chèque en blanc » donné à Drahi. Quant à la CGT, elle dénonce l’argument choc des signataires : « entre un bon chèque et un départ au minimum légal, il vaut mieux un bon chèque (…). C’est un peu comme si un anesthésiste (la CFDT et l’UNSA en l’occurrence) demandait à un patient (les salariés du groupe) s’il préfère que le docteur (la direction) ampute un membre sain avec ou sans anesthésie (…). On connaît la réponse avant d’avoir posé la question ! Mais la CGT le réaffirme clairement : il n’y a aucune raison d’amputer ! »
Malgré les jérémiades des dirigeants des groupes de télécoms sur la baisse des revenus du secteur et l’environnement concurrentiel auquel ils sont confrontés, Drahi, Niel et Bouygues font partie des 100 plus grosses fortunes françaises. Ils s’affrontent pour s’approprier le maximum de parts de marché et n’ont aucune intention de quitter le secteur car ils savent que les gains qui seront dégagés dans le futur seront encore plus juteux.
Leurs guerres de pouvoir fracassent l’emploi et les conditions de travail. Selon les données de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), près de 10 % des emplois ont été supprimés depuis 2010 (fin 2013, il y avait 125 000 emplois). Outre les compressions d’effectifs, les conditions de travail se dégradent, les salaires sont limités, il y a peu de perspectives de carrière et l’avenir souvent incertain amène certains salariéEs à envisager de partir.
Tous les opérateurs sont touchés par la réduction des effectifs sauf, pour l’instant, le nouveau venu : Free. Mais celui-ci a montré sur son site marseillais qu’il sait faire preuve de méthodes musclées pour se débarrasser de syndicalistes. En dix ans, Orange a perdu plus de 20 % de ses effectifs (et 60 salariéEs se sont suicidés...). Et entre 2016 et 2018, ce seront encore 14 000 emplois qui ne seront pas remplacés. Près de 1 900 emplois ont été perdus chez Bouygues Telecom depuis 2012, notamment avec, là aussi, un plan de départs « volontaires».
Le secteur des télécoms montre bien l’escroquerie des discours sur la « nouvelle économie » : les gains de productivité ne se traduisent pas en nouveaux emplois ni en amélioration des conditions de travail, mais en profits largement captés par une nouvelle génération de milliardaires.
Henri Wilno