Depuis quelques semaines, la souffrance au travail à La Poste est de nouveau sous le feu médiatique.
L’histoire d’Émeline, la jeune factrice de Villeneuve-d’Ascq qui a fait un AVC après que sa hiérarchie l’eut non seulement obligée à venir travailler, mais aussi maintenue à son poste au lieu d’appeler les pompiers, met en lumière la réalité de ce que vivent les postierEs au quotidien. Et avec une ampleur inédite depuis 2012 et la vague de suicides qui avait alors fait l’actualité.
Depuis 4 ans, la seule réponse de la direction de La Poste a été d’organiser un « grand dialogue », visant à prétendument associer les organisations syndicales afin de répondre au problème. Un écran de fumée... La machine infernale des restructurations est repartie de plus belle, les emplois sont sacrifiés sur l’autel de la réduction des coûts (plus de 100 000 suppressions en un peu plus de 10 ans !).
Aujourd’hui tous les clignotants sont au rouge, et il est certain que l’on s’achemine vers une situation encore plus dramatique qu’en 2012. Les alertes syndicales vers les directions ont été nombreuses, mais elles se sont heurtées à une véritable omerta organisée à tous les échelons hiérarchiques. Le cas d’Émeline est une brèche dans cette chape de plomb. Son histoire est discutée dans tous les services, parce que chacunE sait très bien que ça pourrait lui arriver, tant le discours « travaille et tais-toi, quoi qu’il en coûte » est monnaie courante. La parole commence d’ailleurs à se libérer. Exactement ce que craint La Poste, qui continue de jouer de la bonne image de service public, qu’elle met pourtant toute son énergie à détruire.
Rentabiliser au maximum, quel qu’en soit le prix...
Ainsi SUD PTT a organisé, le 26 septembre dernier, une conférence de presse en présence d’Émeline, de son avocat, et de Sébastien (le militant SUD mis à pied... pour avoir fait son travail en demandant que les secours soient appelés et que soit réuni un CHSCT pour pointer les responsabilités). Les familles d’autres victimes, malheureusement décédées, de cette politique du désastre étaient présentes, avec pour eux aussi des avocats et les militantEs des départements concernés (Finistère, Savoie, Essonne et Doubs). Tous les témoignages ont convergé, qu’il s’agisse du manque d’effectifs, du harcèlement par la peur, du mépris dont a fait preuve La Poste envers les victimes et les familles, ou de la répression brutale qui s’exerce contre les militantEs qui tentent de bloquer cette politique, notamment par le biais d’une instance comme le CHSCT, dont le rôle est notamment de prévenir les risques.
Il ne s’agit donc pas de cas « à part » qui seraient dus à des circonstances exceptionnelles (par exemple unE cadre particulièrement sadique). Les agents de La Poste sont confrontés à un véritable système institutionnalisé, à l’instar de celles et ceux de France Télécom devenue Orange. Un même système pour un même objectif. La Poste est aujourd’hui une SA à capitaux publics, par le biais de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations qui en sont les actionnaires. Évidemment, cette situation est transitoire, l’ouverture du capital est la perspective. La Poste doit donc être rentabilisée au maximum, quel qu’en soit le prix. Il n’est donc pas étonnant que l’État ne pipe mot sur ce qui est en train de se passer, puisqu’il brade les services publics pour le compte du Medef et du CAC 40.
Faire échec à ces projets ne se fera pas sans mobilisations d’ampleur nationale. En premier lieu, celle des postierEs eux-mêmes, mais aussi celle des usagerEs, qui ont plus que leur mot à dire dans l’avenir de La Poste, et des éluEs, notamment locaux. Certes, la parole se libère, mais ce n’est qu’un premier pas.
Édouard Gautier