Qu’il tombe bien ce vote/sondage organisé par la direction de l’usine Smart à Hambach (Moselle) !
Chaque jour, ou presque, un représentant du patronat, un ministre, un dirigeant politique, pas forcément de droite, vient nous expliquer que nous ne travaillons pas assez, que notre travail coûte trop cher, qu’il faut faire des sacrifices...
Mais les leçons sont bien plus complexes. En effet, si 56 % de l’ensemble des salariéEs de Smart se sont prononcés pour une augmentation du temps de travail non complètement compensée en salaire, ceux/celles de la production ont repoussé l’accord proposé avec 61 % de voix. Cela malgré les menaces sur l’emploi et le chantage à la fermeture déroulés pendant plusieurs jours par la direction et une grande partie de la maîtrise. De plus, la décision de mettre en place un accord d’entreprise assis sur de tels reculs sociaux se heurterait à l’obstacle des conditions de validité d’un tel accord : 30 % de voix nécessaires pour les syndicats signataires et 50 % pour les organisations qui voudront faire valoir leur droit d’opposition.
Un saut qualitatif
C’est pourquoi l’enjeu des prochaines attaques contre un droit fixé en grande partie dans le Code du travail est donc double. D’une part, limiter les possibilités de blocage par les institutions représentatives du personnel et/ou les syndicats, avec des incitations pour les syndicats à « choisir leur camp ». Un objectif déjà en partie rempli par les lois Macron et Rebsamen. D’autre part, fixer de nouvelles règles économiques permettant d’asseoir juridiquement les reculs en matière de salaires, temps de travail, contrat de travail. Dans le contexte social et politique actuel, ces règles recevraient l’approbation d’une majorité de salariéEs, les réfractaires se retrouvant licenciés dans les plus mauvaises conditions.
Le recul du rôle et des pouvoirs de l’État et du législatif est défendu depuis des décennies par des courants allant de la « Nouvelle société » de Chaban-Delmas à la « Deuxième gauche » de Rocard-Julliard-Maire. Des lois Auroux, avec la création de groupes de discussion concurrents, de fait, des délégués du personnel, la négociation annuelle obligatoire « encadrant » le temps des revendications salariales, l’ouverture de la possibilité de dérogations aux conventions collectives, aux lois Aubry renforçant les possibilités de dérogations ouvertes par la loi De Robien de 1996. Ces même lois Aubry qui ont mis le plus gravement en cause les dispositions sur le temps de travail, avec l’annualisation du temps de travail et la création du forfait-jour pour les cadres...
Depuis, les différents gouvernements se sont évertués à élargir le champ des possibilités économiques, passant des prétendues difficultés de l’instant à l’anticipation de difficultés aux échéances les plus floues. Sur fond de chômage grandissant, au fil des reculs idéologiques, des échecs des mobilisations, notamment autour des questions d’emplois et de fermetures de sites, et de la dégradation du rapport de forces, la capacité et la volonté de riposte des travailleurs s’est détériorée.
L’insistance des médias à rappeler que la CGT signe 85 % des accords d’entreprise (plus de 95 % pour les autres confédérations) illustre aussi l’acharnement idéologique. Au fil du temps, les coups de canif à la hiérarchie des normes se sont multipliés.
Une riposte à construire
Le bilan des luttes déterminées de Continental, Goodyear ou PSA, la démonstration des capacités des travailleurs à prendre en main leurs affaires chez Fralib ou Pilpa ne suffisent pas à fournir les base d’une mobilisation à la hauteur des attaques. Contre la collaboration ouverte de la CFDT et de ses partenaires syndicaux, il faut plus que des postures radicales imposées par la proximité d’un congrès... Posture du côté de la direction de la CGT sur la réduction du temps de travail à 32 heures, ambiguïtés sur la loi Rebsamen au prétexte de la mise en place d’une représentation minimaliste dans les PME, absence de refus clair du « dialogue social ». Posture aussi chez Solidaires mélangeant recentrage et unitarisme frileux.
Au-delà de la journée de mobilisation du 8 octobre, il est urgent de démarrer une grande campagne d’information, d’explications autour des menaces que font peser les projets Medef-gouvernement. Dès maintenant, il s’agit aussi de planter dans le calendrier des échéances de mobilisations mettant en mouvement syndicats, partis, associations, et impliquant le développement de grèves bloquant l’activité économique : pour la défense et l’amélioration d’un droit du travail qui protège les salariéEs, aide à lutter contre les licenciements, pour la réduction du temps de travail, pour les salaires, la protection sociale... Pour un renversement du pouvoir patronal sur notre vie et notre travail.
Robert Pelletier