Publié le Mercredi 7 juin 2017 à 18h30.

Transport de matières dangereuses : Rien n’est réglé !

Après la réunion au ministère des Transports avec les syndicats mercredi 31 mai au soir – où les représentants patronaux ont refusé de se rendre – la grève des routiers chargeant les carburants dans les dépôts pétroliers a été suspendue (voir l’Anticapitaliste n°386).

C’est bien avec l’idée que cette grève était un premier avertissement que la majorité des grévistes, délégués et militants actifs, ont décidé de reprendre le travail.

Les « engagements » actés à cette réunion ne sont que des promesses : ouverture d’une « table ronde » le 16 juin où seront discutées les conditions de travail et les contrats de transport dictés par les pétroliers, et ouverture de discussions le 19 juin sur les classifications et les salaires. Le tout devant se concrétiser dans une commission mixte paritaire le 10 juillet. Si le gouvernement s’est résigné à convoquer en urgence cette réunion, c’est que, mercredi dernier, la grève était en train d’assécher les stations-­service, multipliant les très longues queues dans la région parisienne. Les usagers avaient constaté que les communiqués rassurants des autorités et des patrons n’étaient que de gros mensonges !

Pas de chauffeur, pas de carburant !

Les dispositifs policiers mis en œuvre, comme au port de Gennevilliers (92), étaient impuissants à rétablir le ravitaillement. Le blocage était bien dû à la grève et non à des barrages physiques devant les dépôts : pas de chauffeur derrière le volant, pas de carburant !

Les non-grévistes se laissaient facilement persuader d’aller voir ailleurs s’ils pouvaient charger. Et ailleurs il y avait le même accueil. L’impuissance des CRS à empêcher les discussions entre grévistes et non-grévistes était réjouissante !

Tous les routiers de cette branche se connaissent en effet plus ou moins en se rencontrant dans les dépôts pendant les chargements quotidiens. Et cela a permis l’unité des salariés par delà leur dispersion dans de multiples sociétés.

Un autre facteur a précipité l’initiative du gouvernement : le front patronal commençait à se fissurer entre pétroliers et transporteurs, et une société de transport s’était déjà engagée à augmenter le salaire horaire de 1,5 euro.

Une grève partie de la base

C’était la force des grévistes de la région parisienne, mais c’était aussi leur fragilité pour l’extension du mouvement dans les régions. Seule la fédération CGT, très faible dans le transport routier, a soutenu le mouvement. Les autres fédérations majoritaires, CFDT, FO et CFTC, se sont opposées à la grève. Elles ne veulent pas voir de nouveaux venus avec la CGT bousculer leur confort de « partenaires sociaux » respectables et respectueux.

Les prétextes avancés pour ne pas soutenir la grève étaient ridicules : la revendication d’un accord matières dangereuses morcellerait la convention collective et favoriserait le dumping social à l’encontre des 700 000 salariés des transports routiers... La palme d’or du cynisme bureaucratique est revenue à FO qui se déclarait d’accord avec la revendication... à condition qu’elle s’applique à tous les routiers. Des prétextes bien ridicules : la convention collective contient déjà des accords propres au transport de voyageurs, aux ambulances ou aux déménageurs, et un accord sur les matières dangereuses existe déjà dans les DOM – ce que les salariés du secteur originaires de ces pays ont largement popularisé...

Le dumping social fait effectivement des ravages dans le secteur avec la concurrence sans limite et la sous-traitance en cascade, avec pour résultats des taux horaires voisins du Smic, une sous-évaluation systématique des heures réellement travaillées et la multiplication des maladies professionnelles. Mais c’est bien l’absence de résistance, même au travers de luttes partielles, qui est responsable de cette situation.

Une lutte victorieuse dans les matières dangereuses serait bénéfique pour tous les salariés de la branche. Pas besoin d’être un expert fédéral pour le comprendre : nombreux étaient les routiers qui manifestaient en klaxonnant leur soutien en roulant dans le port de Gennevilliers.

Prêts à reprendre la grève !

Pourquoi une reprise avec si peu de résultats concrets alors que la grève commençait à produire ses effets ? L’appel de la fédération CGT à reprendre le travail ne peut suffire à l’expliquer. Dès le départ, les grévistes peu expérimentés et fraîchement syndiqués ou élus n’ont pas misé sur une grève longue au finish.

Fiers d’avoir fait reculer le gouvernement et de s’être fait respecter, ils comptent bien reprendre le mouvement si rien de concret ne sort des discussions. En cas de reprise du conflit, la solidarité interprofessionnelle des militants et des structures syndicales de base devra être au rendez-vous.

D’autant plus que cette lutte n’a rien de corporatiste. Elle remet en question une société qui fait circuler massivement des « bombes roulantes » avec des chauffeurs sous-payés et soumis à des journées épuisantes, au mépris de leur sécurité et de celle de toute la population et de son environnement. Notre revendication d’un monopole de service public de l’énergie doit inclure le transport des carburants et de toutes les matières dangereuses.

Correspondant