Publié le Mardi 1 décembre 2020 à 17h52.

Alexandra Richard, condamnée pour s’être défendue

Ce gouvernement voulait prétendument faire de la question des femmes et des violences sexistes et sexuelles la « grande cause du quinquennat ». C’est réussi : il mène un peu plus chaque jour une véritable guerre aux femmes. Darmanin, accusé de viol dans une enquête encore en cours, et Dupond-Moretti l’anti-féministe à la justice, incarnent le parcours de la combattante que doivent traverser les femmes victimes de violences, de l’absence de structures d’accueil au démantèlement du 3919, en passant par les dépôts de plainte sans suite au commissariat… jusqu’à un éventuel rendu de justice.

Alexandra Richard a été condamnée à 10 ans de prison ferme pour avoir tiré sur son mari violent. Sa plainte au commissariat était comme souvent restée sans suite. 10 ans : c’est la peine à laquelle Jacqueline Sauvage avait également été condamnée. Dans l’affaire Sauvage, ce qui avait été débattu était le décalage entre les coups subis et le moment précis de sa défense. Les féministes parlaient alors de « légitime défense différée », une notion juridique prenant en compte le cadre psychologique et physique particulier des violences conjugales. Mais pourtant ici, pas « d’ambiguïtés » : Alexandra s’est saisi du fusil alors que son conjoint, ivre, la menaçait de « lui défoncer la gueule ». Ce n’est semble-t-il pas encore suffisant...

L’avocate générale a concédé que certes « c’était un homme violent ». « Mais vous ne pouvez pas répondre à la violence par la violence », a-t-elle sermonné la victime d’années d’abus, telle une enfant dans une cour d’école. La légitime défense, ou même la doctrine policière du « maintien de l’ordre » dont on parle beaucoup en ce moment ne se définit-elle pas pourtant par « un usage de la force proportionné à l’attaque subie » ? Les largesses et la compréhension de la justice ne s’appliquent visiblement toujours qu’aux mêmes…

Rappelons-nous que Jacqueline Sauvage n’avait pas gagné en justice, mais avait fini par être graciée sous la pression de la mobilisation populaire. Il est possible de les faire reculer ! Mais pour les féministes il faut lutter sur tous les fronts à la fois, y compris se battre pour faire avancer les cadres législatifs de reconnaissance des féminicides, des violences conjugales, des notions de consentement, de viols, d’agressions sexuelles… La liste est longue. Car l’oppression patriarcale s’appuie sur un système complet. Et tant que celui-ci demeure, souvenons-nous qu’en matière de violences sexistes et sexuelles, la justice est écrite et rendue par des hommes. Mais qu’elle est subie par des femmes.