Jean-Pierre Chevènement va prendre la tête de la Fondation pour l’islam de France, un organisme lié au gouvernement qui a pour mission d’exercer un contrôle sur le financement des lieux de culte et sur la formation des imams. Sur la proposition de François Hollande, c’est l’ancien préfet d’Oran qui va donc prendre la tête des institutions musulmanes de France...
Jean-Pierre Chevènement n’a pas attendu longtemps pour se faire remarquer. Sur la question du burkini, il conseille aux musulmanEs « la discrétion » et soutient les arrêtés anti-burkinis, quand c’est une question d’ordre publique... Invité de nombreuses émissions, interviewé dans plusieurs journaux nationaux, il développe son projet. Il y a un problème d’intégration des musulmanEs en France, il faut donc œuvrer à créer « un islam de France » : refuser les financements étrangers, former les imams, créer un « islam républicain ». Les musulmanEs sont donc considérés comme des populations pas réellement intégrées à la République, qu’il faudrait guider.
Nommer Chevènement à la tête de cette fondation n’est pas innocent : ancien préfet en Algérie, militant pro-Algérie française, il a aussi été ministre de l’Intérieur sous le gouvernement Jospin où il parlait de « sauvageons » à propos des jeunes habitantEs des quartiers populaires. Avec ce choix, le gouvernement reprend la mission coloniale du rôle civilisateur de la République sur les peuples indigènes.
Mauvais choix : intégration ou répression ?
Lancée sous la présidence de Jacques Chirac, cette fondation n’a pas eu jusque-là d’action réelle. La relancer cet été n’est donc pas anodin. Après la série d’attentats qui a touché le pays, l’État a une double action : l’intégration forcée ou la répression. Le volet répression est bien connu : l’état d’urgence, les assignations à résidence, les perquisitions à domicile.
L’intégration forcée n’en est pas moins violente. Son discours dominant est de refuser les amalgames entre musulmanEs modérés et radicaux. Ce discours créé deux catégories de musulmanEs : celles et ceux de bonne volonté, qui acceptent de se mettre sous la coupe de la République, de se faire discrets (pour reprendre l’idée de Chevènement), et les autres qui ne respecteraient pas la laïcité, qui sont soupçonnés de soutenir le terrorisme, qui provoquent par leur tenue... Tout cela suivi de mesures pour bien séparer ces deux catégories : arrêtés contre le burkini, contrôle des mosquées par la Fondation pour l’islam de France, création d’une taxe sur le halal...
Cette politique d’intégration et de répression est toute droit issue de la domination coloniale : assimiler les populations indigènes à un rôle de sous-citoyens guidés par la République et réprimer les volontés d’émancipation.
Au côté des musulmanEs et de leur organisation, nous devons refuser la mise en place de cette Fondation, qui n’est rien d’autre qu’une tentative de prise de contrôle coloniale des institutions de l’islam. Nous soutenons la possibilité pour les communautés de croyantEs de se doter, si elles le souhaitent, de leurs propres représentations politiques et institutionnelles. Refusons de voir traiter les musulmanEs comme des indigènes de l’intérieur, des intrus à la République qu’il faudrait guider et contrôler.
Lucien Soufyene