Le 8 mars 1979, des dizaines de milliers de femmes sont descendues dans la rue pour la première fois dans l’histoire de l’Iran. Après avoir massivement participé au soulèvement ayant chassé la dictature du Chah, elles exprimaient ainsi leur refus d’être parmi les premières cibles de la contre-révolution organisée sous la houlette de l’ayatollah Khomeiny.
Une militante expliquait à l’époque : « les femmes ont participé à l’insurrection. Elles ont aidé à construire les barricades. C’est pourquoi les premiers jours, un des principaux mots d’ordre était : "Les hommes et les femmes ont été égaux dans la mort, ils doivent l’être maintenant aussi" ».
Offensive réactionnaire
Cela n’empêcha pas le nouveau pouvoir d’annoncer :
– l’abrogation de la loi sur la famille garantissant aux femmes un certain nombre de droits
– la suppression du droit au divorce
– la suspension de la vente libre de la pilule
– l’interdiction de l’avortement
– la fin de la scolarité obligatoire pour les filles de plus de huit ans
– l’interdiction de la mixité dans les lieux publics
– l’obligation faite aux femmes de se couvrir de la tête aux pieds sauf le visage, avec un manteau long et large, et en portant le voile traditionnel (tchador) ou un foulard.
Dès lors, des femmes ne portant pas le voile furent refoulées de leur travail et agressées dans la rue aux cris de « le foulard ou la raclée ».
Célébré pour la première fois en Iran, le 8 mars 1979 donna aux femmes l’occasion d’exprimer leur colère et leur indignation. À Téhéran une manifestation regroupa entre 15 000 et 20 000 personnes.
Les manifestantes revendiquaient notamment des droits civils, sociaux, économiques absolument égaux à ceux des hommes. Ainsi que le refus d’être contraintes de porter le voile : « Khomeyni n’a pas à dire, il faut faire ceci, il faut faire cela : c’est à nous de décider ».
Tous les hommes présents à la manifestation formèrent des chaînes pour en assurer la protection.
La manifestation fut rapidement perturbée par de milliers de contre-manifestants amenés par autobus, qui insultèrent les femmes et essayèrent de les frapper.
En 2018, rien n’a fondamentalement changé
Les femmes sont toujours en butte à une discrimination systématique dans la législation et dans la pratique, notamment en matière de divorce, d’emploi (en particulier dans l’éducation), d’héritage et d’accès aux fonctions politiques, ainsi qu’en droit pénal. L’accès aux moyens de contraception demeure très restreint. Le pouvoir prône le mariage précoce, les grossesses répétées, la diminution du nombre de divorces et un plus grand respect des rôles « traditionnels » des femmes comme femmes au foyer et des hommes comme soutiens de famille. Aucune loi ne protège les femmes contre le mariage précoce et forcé, le viol conjugal et les violences au sein de la famille. La défense des droits des femmes est assimilée à une activité criminelle. L’article 368 du Code pénal islamique iranien punit tout acte considéré comme portant atteinte à la décence publique d’une peine de 10 jours à deux mois de prison, ou de 74 coups de fouet. Une note explicative se rapportant à cet article précise que les femmes qui se montrent en public sans voile sont passibles d’une peine de 10 jours à deux mois de prison ou d’une amende. La loi s’applique aux filles dès neuf ans. En pratique, les autorités imposent le port obligatoire du voile à partir de l’âge de sept ans pour les filles, c’est̀-à-dire lorsqu’elles entrent à l’école élémentaire.
Les femmes étaient nombreuses dans les manifestations contre la vie chère, fin décembre début janvier. Dans la même période, une trentaine d’entre elles ont été arrêtées et placées en détention pour avoir osé retirer leur voile en public. À la mi-février, une jeune fille est morte après s’être immolée pour échapper à un mariage forcé.
Dominique Lerouge