Publié le Mercredi 29 mai 2019 à 12h01.

À Toulouse, premières victoires contre le harcèlement sexuel à l’université

Le 7 mai, l’Union des étudiantEs de Toulouse (UET) annonçait, par un communiqué de presse, la suspension de deux professeurs de l’université Toulouse le Mirail pour des faits de harcèlement sexuel et moral contre des étudiantes. Ces suspensions seront par la suite suivies de commissions disciplinaires qui devront établir les faits et les sanctions.

C’est l’aboutissement du travail des camarades de l’UET qui aura duré plus d’un an. Au total, 13 étudiantes auront témoigné, de manière anonymisée ou non, des faits de harcèlement et de violence dont elles ont été victimes. Et cette affaire n’est pas un cas isolé : cette année l’UET a suivi 4 dossiers de harcèlement sexuel et moral ayant conduit à la suspension de 5 professeurs, BIATSS ou chargés de cours à l’université du Mirail. À notre connaissance cette situation est une première.

Levée d’un tabouComment expliquer cela ? Il faut d’abord rappeler qu’il n’y a pas plus de cas de harcèlement sexuel à Toulouse qu’ailleurs. Et partout, nous observons la levée du tabou entourant ces cas de harcèlement sexuel, forçant l’ensemble des universités et écoles dans l’enseignement supérieur à les prendre en charge. Avec beaucoup de chemin à faire, tant vis-à-vis des institutions universitaires que de l’esprit de corps et de solidarité entre pairs 1. Dans la foulée du mouvement #meetoo et #balancetonporc, les étudiantes, chercheuses et doctorantes commencent à parler des situations de violences qu’elles subissent. Lorsqu’elles sont isolées, elles rencontrent encore le silence complice des administrations, les injonctions à se taire des professeurs, la minimisation de leurs témoignages, tout cela sur fond d’instances disciplinaires inadaptées. Pour faire face, il y a une nécessité à construire des cadres de luttes féministes. C’est l’action collective qui permet de passer un cap et d’obtenir des victoires contre les harceleurs sexuels. Ainsi, à Toulouse, les militantes syndicalistes et féministes de l’UET conduisent depuis deux ans à la fois des campagnes de prévention contre le harcèlement (affichage, réunions d’information), des suivis personnalisés pour les victimes (recueil de témoignages et accompagnement dans les démarches) et des luttes dans les conseils pour des changements durables dans les prises en charge (création de la cellule d’écoute contre le harcèlement sexuel à l’université). Elles ont su créer des réseaux de solidarité, tout en s’associant avec les autres forces de gauche organisées sur l’université. Ces militantes ont réclamé et obtenu localement une forme de systématisation de la suspension dès réception du dossier de saisine de commission disciplinaire pour violences.

Organiser la lutte des étudiantesLe harcèlement sexuel à l’université a ceci de spécifique qu’il concerne des femmes très jeunes, précaires, souvent isolées, et qu’il est pratiqué par les professeurs ayant (et se donnant) ascendance sur elles par le biais de la notation et de l’insertion professionnelle, tout en se couvrant en parlant de « pratique pédagogique ». La suspension provisoire est actuellement la seule façon de protéger les victimes et de permettre aux étudiantes de témoigner. D’ailleurs depuis l’annonce de la suspension, d’autres étudiantes se déclarent elles aussi victimes et prêtes à agir. Il s’agit désormais d’avancer sur des revendications : a minima, que la suspension provisoire (pour le moment soumise au bon vouloir des présidences des universités) soit systématique, que les commissions disciplinaires incluent les étudiantes, que les cellules de prévention contre le harcèlement se généralisent, en favorisant le travail avec les associations et les collectifs féministes, et que les moyens qui leur sont alloués soient augmentés. Mais surtout il y a maintenant urgence à créer, partout où c’est possible, des groupes, des collectifs, des organisations, féministes, militantes. Prêtes à organiser la lutte des étudiantes et à faire entendre leur voix. Correspondante1 – Voir à ce propos le récent dossier de Mediapart (20 mai 2019) consacré au harcèlement sexuel à l’université, et notamment Lenaïg Bredoux, « À l’université, la parole se libère enfin » : https://www.mediapart.fr… ?onglet=ful