Publié le Jeudi 19 décembre 2019 à 11h04.

Toulouse. Violences faites aux femmes : Que fait la justice ? Elle ferme les yeux

En juillet 2019, deux professeurs d’arts plastiques de l’université du Mirail ont été exclus de tout établissement d’enseignement supérieur pour cause de « harcèlement sexuel et moral ». Mais le procureur qui s’était saisi de l’affaire vient de la classer sans suite.

L’affaire remonte à juillet 2018 lorsqu’une étudiante, membre de l’Union des étudiantEs de Toulouse (UET), ayant entendu parler du comportement « dérangeant » de deux enseignants d’arts plastiques et en ayant elle-même été la cible, décide de lancer un appel à témoignages.

Plus d’un an de travail, de nombreux témoignages

Pendant plusieurs mois, une quinzaine d’étudiantes vont la contacter pour témoigner, malgré la peur. Les faits sont variés : à deux, ces professeurs minaient systématiquement leurs étudiantes en les sexualisant, en les dénigrant, en les insultant avec de propos sexistes, racistes ou validistes. Toutes les victimes veulent aller plus loin et surtout, que ces violences s’arrêtent ! Finalement, une saisine de la commission disciplinaire de l’université est déposée le 16 avril 2019 avec une quinzaine de témoignages dont certains anonymes. Le 15 juillet, cette commission rend son avis : les deux professeurs sont exclus à vie de l’enseignement supérieur. Cette sanction est la plus élevée dans la code de l’éducation.

Cette mesure exceptionnelle intervient dans un contexte où quatre autres affaires de harcèlement et d’agressions sexuelles sont dénoncées à l’université du Mirail. Fortes d’un long travail de campagne de prévention et du mouvement MeeToo, les femmes s’organisent pour s’entraider, briser le silence et agir. Le procureur avait alors déclaré se saisir du dossier et ouvrir une enquête en juin 2019.

Une enquête bâclée, un classement sans suite scandaleux

Depuis, seules quatre des victimes ont été entendues par la police dans le cadre de cette enquête, sur seize personnes ayant témoigné dans le dossier. Finalement, deux des victimes reçoivent un courrier du tribunal de grande instance de Toulouse annonçant un classement sans suite de l’affaire de harcèlement pour « manque d’élément ». Surprise : le courrier ne fait pas seulement mention de l’affaire concernant les professeurs d’arts plastiques mais de tous les professeurs accusés dans toutes les affaires. Il ne fait pas non plus mention des faits dénoncés par les victimes mais d’autres faits, ne les concernant pas.

Cela signifie qu’une seule enquête a été menée pour traiter plusieurs affaires différentes (avec des auteurs et des victimes différentes). Cela signifie aussi que l’ensemble des affaires sont classées sans suite. C’est-à-dire que si on avait peu d’espoir, on est quand même déçues. Évidemment, les médias s’empressent de déclarer les deux professeurs « blanchis » et ces derniers en profitent pour déposer plainte contre une des victimes pour dénonciation calomnieuse.

Ce classement sans suite est un scandale qui nous montre une fois de plus que la parole des femmes a peu de valeur face aux institutions judiciaires. Quelques semaines après la fin du Grenelle, cette décision de justice nous rappelle que nous n’avons pas fini de nous battre pour défendre nos droits ! L’heure est désormais à la solidarité : les victimes s’organisent maintenant collectivement et certaines d’entres elles ont déjà porté plainte. Le soutien financier sera primordial : une cagnotte est en ligne pour les frais d’avocat, sur la page de l’UET ou sur : www.lepotsolidaire.fr/pot/kr7l2r4u

Correspondante (Toulouse)