À Perpignan, le « duel » des municipales de 2014 se rejoue aujourd’hui avec un danger bien réel que la ville passe cette fois à l’extrême droite.
Il n’avait manqué que 5 % des voix à Louis Aliot (RN) pour remporter les municipales de 2014 face au maire sortant Jean-Marc Pujol (LR). Un maire dont la gestion est de plus en plus largement critiquée, y compris maintenant à droite. Une droite qui s’est déchirée au premier tour. Et loin d’avoir coupé l’herbe sous le pied de l’extrême droite, sa scandaleuse politique nostalgérianiste (musée à la gloire de l’Algérie française ; stèle en l’honneur des assassins de l’OAS dans un cimetière municipal ; drapeaux mis en berne le 19 mars à la date anniversaire du cessez-le-feu de la guerre colonialiste en Algérie…) a donné une légitimité au RN qui profite déjà grandement du désespoir social dans cette région périphérique, championne de France du chômage et de la précarité, et qui risque de subir de façon amplifiée les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire.
En mars 2020, Aliot est donc arrivé largement en tête du premier tour (35,6 %) devant Pujol (18,4 %) mais avec une abstention record de plus de 60%. Quelle sera-t-elle le 28 juin ? En dépendra pour beaucoup l’issue… Comme en 2014, les autres candidatEs susceptibles de se maintenir se sont retiréEs ces derniers jours au nom d’un « front républicain » : d’abord Romain Grau (13 %), le candidat macroniste par ailleurs député, et, ce week-end, Agnès Langevine (14,5 %), la candidate EELV, soutenue par le PS et un petit groupe d’« insoumis » (exclus depuis de La FI).
Perpignan : une pièce maîtresse dans la stratégie du RN
L’enjeu dépasse de beaucoup, évidemment, la ville de Perpignan et le département des Pyrénées-Orientales (Catalogne Nord) dont elle est la capitale. Elle serait la seule ville de plus de 100 000 habitantEs à passer au RN. Une première depuis Toulon (en 1995) – un succès qui alors se transforma vite en un fiasco que l’extrême droite compte bien faire oublier avec Perpignan. Faire de cette ville une vitrine et un laboratoire pour sa politique ultraréactionnaire. Mais aussi mettre la main sur d’importants moyens matériels, financiers et militants et, ainsi, en faire une base pour élargir son implantation territoriale et un tremplin pour une conquête du pouvoir national. Ce qui est l’objectif n° 1 du RN.
Pour ce faire, Aliot a joué à fond la carte du gestionnaire crédible et responsable, de la respectabilité, au point de faire passer à la trappe son étiquette RN. Une notabilisation qui a permis de débaucher certainEs politicardEs de droite. Tout récemment encore, une personnalité locale, colistière de Grau, vient d’appeler à voter Aliot au second tour…
Le fait que ce soit à nouveau un « duel » extrême droite/droite (extrême) exprime aussi combien la soi-disant « gauche », institutionnelle, est discréditée, combien une alternative vraiment à gauche est faible et peu crédible et combien il est urgent de construire une véritable opposition de gauche, indépendante du PS et d’EELV, appuyant et s’appuyant sur les luttes, capable d’être une alternative. C’était un des enjeux de la liste « L’Alternative – Perpignan écologique et solidaire ».
« L’Alternative Perpignan… » : quelle alternative ?
Le bilan de cette liste reste à tirer collectivement, au sein de L’Alternative (6,6 % au premier tour), une liste, créée à l’initiative d’un groupe de citoyenNEs et rejointe ensuite par le PCF, La FI, Génération.s, l’ERC (Gauche républicaine catalane) et le NPA. Une volonté légitime et bienvenue de renouveler les pratiques politiques – et notamment la démocratie participative – même si sa mise en pratique a pu parfois connaître des difficultés.
L’Alternative a été un cadre d’échange, de discussion et d’élaboration revendicative bien souvent fructueux. Un cadre aussi de bataille politique. Tout particulièrement sur la question de constituer ou non dès le premier tour une liste commune avec EELV-PS. Une question dont le PCF a fait son cheval de bataille. Sans succès. Il s’est heurté à une ferme opposition contre toute alliance avec la liste Langevine. Et cette opposition s’est même trouvée majoritaire à l’occasion de la consultation interne, à distance, via Internet, sur la question posée : fusion ou non au second tour avec la liste Langevine qui, alors, ne s’était pas encore retirée au profit de Pujol.
« L’Alternative » contre la fusion et pas une seule voix à Aliot
Le NPA a déposé une motion1 esquissant un premier bilan de L’Alternative et se prononçant contre toute fusion sans donner de « consigne » de vote au second tour si ce n'est que pas une voix ne doit aller à Aliot. C’est cette position, soutenue par Génération.s, qui a recueilli le plus de voix (plus de 53 %) et qui a été adoptée par L’Alternative, devant la position favorable à la fusion avec EELV-PS. Une autre motion contre la fusion était également soumise au vote mais sans se prononcer sur le second tour.
La position qui a obtenu le moins de voix est celle défendue par le PCF : retrait de la liste en faveur d’un appel à voter Pujol.
La FI, opposée depuis le début à toute fusion, n’a pas présenté de motion. Les camarades, avaient décidé début mai, en plein confinement, que les propos contre les partis tenus par certains représentants de L’Alternative constituaient « l’acte de dissolution de L’Alternative ». Un abandon de la bataille politique interne qui exprime aussi un certain déboussolement de La FI, en panne de stratégie, et qui avait fait initialement à Perpignan le choix, peu coutumier et difficile pour un tel parti, de s’effacer derrière une « liste citoyenne »…
Préparer la résistance
L’heure n’est pas aux pronostics mais à nous préparer au pire. Et le pire ennemi des classes populaires à Perpignan comme ailleurs, c’est l’extrême droite, sous toutes ses facettes. En cas de victoire d’Aliot, plus que jamais l’unité du mouvement ouvrier et social sera vitale pour combattre pied à pied les attaques racistes contre les migrantEs, les GitanEs et les quartiers populaires, pour défendre les droits démocratiques, pour défendre le droit d’expression et d’action des organisations, des associations. Plus que jamais nous aurons besoin d’occuper la rue, de nous mobiliser. Et de s’atteler à la construction d’une alternative politique qui, en exprimant les intérêts des classes populaires, affirme une perspective émancipatrice.
- 1. Pour lire la motion du NPA 66 : http://www.npa66.org/mil…