Publié le Samedi 6 avril 2013 à 13h46.

Algérie : Barbacha en ébullition

La commune de Barbacha (environ 30 000 habitants ) près de Béjaïa était la seule en Algérie dirigée par un maire du Parti socialiste des travailleurs ( PST), notre camarade Sadeq Akrour. Lors des élections municipales de novembre 2012, le Wali (préfet) de Béjaïa avait voulu interdire la présentation d’une liste du PST mais avait dû finalement céder. Cette liste est arrivée en tête avec plus de 30 % des voix mais a perdu la mairie face à une alliance sans principe des conseillers municipaux des trois autres listes.

Le FLN, le RCD et le FFS, censés être en opposition, ont constitué une coalition hétéroclite de huit élus contre les six du PST. La population s’est immédiatement mobilisée pour imposer de nouvelles élections et permettre ainsi le retour de Sadeq. Depuis quatre mois, des centaines d’habitants, y compris des militants du FFS et du RCD en désaccord avec les élus de leurs partis, sont mobilisés nuit et jour occupant et bloquant tous les services municipaux (état civil, etc.) et interdisant la moindre réunion des élus fantoches.Organisée en assemblée générale permanente, avec des délégués de la vingtaine de villages composant la commune réunis dans la salle des fêtes, la population pratique une forme d'autogestion pour diverses activités municipales (collecte des déchets, distribution du gazole dans les écoles, nettoyage, etc.). Sans aucun signe d'essoufflement, elle a multiplié les manifestations aussi bien à Barbacha qu’à Béjaïa (chef-lieu de la wilaya) situé à une quarantaine de kilomètres, ce dont ont rendu compte de nombreux articles dans la presse nationale algérienne.Mobilisation démocratiqueDimanche 24 mars a marqué un tournant dans la situation. Face à 2 000 manifestants qui bloquaient le siège de la wilaya à Béjaïa, le Wali a fait donner la police anti-émeute qui chargea la population avec une violence inouïe, blessant plusieurs personnes dont un jeune, les jambes brisées. Vingt-six personnes ont été arrêtées dont Sadeq Akrour qui ne sera relâché qu’au bout de 24 heures, sous les acclamations de centaines de personnes qui l’attendaient, la tête bandée suite aux coups reçus.L'émotion est considérable en Kabylie et dans tout le pays. La nouvelle se répand alors que le gouvernement fait donner la police contre des manifestations de chômeurs qui se développent dans le sud. Et la mobilisation ne faiblit pas. Dimanche 31 mars, des centaines d’habitants de Barbacha ont de nouveau manifesté devant le tribunal de Béjaïa où six des leurs doivent aller pointer, pour demander l’annulation des poursuites juridiques. Ils annoncent pour les jours à venir des initiatives nationales pour imposer la dissolution du conseil municipal et de nouvelles élections.« Le Wali, c'est la loi, moi c'est le peuple » a déclaré notre camarade Sadeq Akrour qui a réussi à diriger une municipalité reconnue comme la première d'Algérie au niveau des réalisations sociales (pour régler les problèmes d’alimentation en eau, mettre en place un service d’urgence à la clinique municipale, lancer la construction d'équipements collectifs…). Quatre mois de mobilisations ininterrompues, et une municipalité bloquée avec des élus fantoches incapables de se réunir : belle démonstration de ce que peut faire un parti et des élus anticapitalistes capables de lier les réalisations sociales, même dans un cadre limité, et la mobilisation populaire.Alain Krivine