Kamel Aissat, professeur de microbiologie à l’université, est sous contrôle judiciaire depuis ce lundi 17 juillet 2023. Son délit — un vrai délit d’opinion — est d’avoir exprimé des réserves scientifiques sur un projet d’extraction du plomb et du zinc dans la région de Béjaïa, une ville du littoral de la Petite Kabylie.
Ce projet a été attribué à une firme australienne chargée d’exploiter un gisement classé 5e au monde. Le président Tebboune s’est impliqué directement en pressant l’administration et les investisseurs d’engager la réalisation du projet. Ce qui explique la procédure judiciaire engagée contre le militant socialiste et écologique, Kamel Aissat. Une procédure qui a commencé par une interdiction de sortie du territoire algérien à l’aéroport au moment où notre camarade devait partir pour Paris avec sa conjointe. Empêché de partir, il est reconduit et convoqué par la gendarmerie où il subit le lendemain un interrogatoire essentiellement sur ce projet minier avant d’être déféré au parquet puis chez le juge d’instruction qui réquisitionne son passeport et le met sous contrôle judiciaire. Un harcèlement judiciaire qui traduit la fragilité d’un régime autoritaire sur le qui-vive.
Au fond que reproche t-on à Kamel Aissat ?
En fait, on lui reproche d’avoir contesté un projet minier écologiquement désastreux sur les territoires de la région de Bejaïa et la vallée de la Soummam. Il a contesté l’expertise de complaisance faite sur le projet en proposant une contre-expertise avec des universitaires et experts compétents qui font ressortir des risques majeurs :
– le risque pour la santé de la population qui pourra subir la toxicité du plomb. La santé de plusieurs générations sera hypothéquée ;
– le risque hydraulique, sachant qu’une nappe d’eau énorme et identifiée sera altérée par la pollution chimique de l’exploitation minière, nappe qui alimente population et agriculture et même les complexes agroalimentaires très consommateurs d’eau ;
– le risque écologique, sachant que la vallée de la Soummam est une zone humide classée Ramsar et donc sujette à une protection réglementée internationalement depuis que l’Algérie l’a signée en 1984. Une zone humide où la biodiversité de la faune et la flore impose une gestion stricte des territoires contre toute atteinte aux équilibres écologiques.
Mobilisation contre le projet minier
Ces 3 risques majeurs sont au centre d’une lutte engagée depuis plusieurs mois pour bloquer ce projet dangereux. Population et associations de villages situés dans la proximité immédiate se sont mobilisés, ont organisé des rassemblements, activé utilement les réseaux sociaux et réussi une randonnée sur le terrain qui a particulièrement sensibilisé sur les risques de ce projet minier. Le pouvoir a décidé de neutraliser cette dynamique de mobilisation en agissant via l’administration, par les pressions et la répression. Aujourd’hui, il s’attaque à une figure de proue de ce mouvement, Kamel Aissat. Ce dernier n’en est pas à ses premiers ennuis avec le pouvoir, car il est aussi cadre dirigeant du Parti socialiste des travailleurs (PST) et syndicaliste du SESS, syndicat des enseignants universitaires.
Après la formidable mobilisation de la population d’In Salah dans le Sud qui a mis un stop au projet d’exploitation de gaz de schiste, la lutte de la vallée de la Soummam est la deuxième lutte écologique majeure contre un projet mortifère pour la nature et la population.
Notre camarade doit être soutenu face à ces mesures répressives et judiciaires. Kamel Aissat, face au silence des universitaires et des experts complaisants, interpelle notre conscience et nous rappelle que les rentes d’aujourd’hui sont nos cimetières de demain.
18 juillet 2023