Publié le Dimanche 12 février 2023 à 20h29.

Algérie : à propos de «l’affaire Amira Bouraoui»

Depuis plusieurs jours, ce qui est devenu «l’affaire Amira Bouraoui» infeste les médias et les réseaux sociaux.

Son entrée «illégale» en Tunisie, parce qu’elle fait l’objet d’une poursuite judiciaire et d’une Interdiction de sortie du territoire national, et son rapatriement en France par l’intervention de son consul à Tunis, parce qu’elle est binationale, sont considérées comme des faits «gravissimes» au point de créer une nouvelle «crise diplomatique» entre Alger et Paris et un remaniement ministériel en Tunisie.

La campagne lancée par le pouvoir de fait algérien et ses alliés ont affublé Amira Bouraoui de tous les noms d’oiseaux : agent de la France et du Mossad, traître de la nation, etc.

Sa famille, notamment sa mère et sa sœur, sont harcelées par les services de sécurité, elles sont interrogées dans une brigade de la gendarmerie et la maman aurait été transférée à Annaba pour y être présentée devant un tribunal.

Cependant, la question élémentaire qui devrait être posée dans cette affaire, à savoir «pourquoi Amira Bouraoui est poursuivie et pourquoi elle fait l’objet d’une ISTN ?», cette question est complètement occultée. Pourtant, les faits qui lui sont reprochés sont d’ordre politique et relèvent de son engagement et son activisme politique.

En réalité, dans cette «Algérie Nouvelle», devenue une grande prison pour tous les opposants du régime, qu’ils soient militants politiques «légaux» ou simples jeunes activistes, syndicalistes ou militants associatifs, journalistes ou avocats, etc., «l’affaire Bouraoui» ne constitue qu’un cas sur des milliers d’autres cas d’ algériens et d’algériennes qui sont détenuEs, sous contrôle judiciaire ou poursuivis et harcelés. Tous et toutes, y compris Amira Bouraoui, n’ont usé généralement que de leur droit à l’expression libre et à faire de la politique comme «garantis» par les lois et la constitution.

En fait, au lieu de nous éclairer sur ce qui est reproché concrètement à Amira Bouraoui pour qu’elle soit obligée de quitter l’Algérie dans les conditions que l’on sait, on noie le poisson dans l’eau via une campagne indigne et inacceptable contre une femme engagée politiquement et opposante au régime.

Que cette femme, comme suggéré a maintes reprises, aurait été proche d’un tel général en perte de vitesse en 2014, ou qu’elle roulerait pour telle officine aujourd’hui, ou qu’elle soit de droite ou de gauche, c’est son choix politique. Et, si on est en désaccord avec elle, c’est sur le terrain politique qu’on doit la combattre comme nous l’avions fait hier et nous le faisons aujourd’hui.

Mais, accepter la répression contre Amira Bouraoui, ou contre Radio M par ailleurs et son patron El Kadi Ihssène, c’est accepter la répression contre tout le monde. C’est accepter le musellement des libertés démocratiques et l’autoritarisme. Et par conséquent, c’est remettre en cause les revendications démocratiques et les idéaux du Hirak pour les libertés et la souveraineté populaire.

Bien évidemment, il ne s’agit ni de défendre ni de justifier le choix politique d’Amira Bouraoui. Il s’agit de défendre son droit, ainsi que le nôtre, d’avoir les choix politiques qu’on veut et de militer librement pour les faire entendre et les faire triompher.

Il s’agit de dénoncer les atteintes aux libertés démocratiques dans notre pays et promouvoir la souveraineté populaire comme seul garant de la légitimité du pouvoir, de notre indépendance et de nos capacités de résistance à toutes les ingérences consulaires, politiques ou militaires étrangères.

Ceux qui prétendent défendre la souveraineté nationale doivent savoir une fois pour toute que celle-ci ne saurait se réaliser sans la souveraineté populaire et les libertés. On est souverain quand on a le droit de dire non aux gouvernants, quand on peut choisir librement nos représentants et quand on peut décider librement des choix économiques et sociaux de notre pays.

Il s’agit de réitérer encore une fois nos revendications démocratiques urgentes pour :

• la cessation immédiate de la répression et des harcèlements policiers et judiciaires !

• la libération de tous les détenuEs politiques et d’opinion !

• la levée de toutes les mesures et les entraves à l’exercice effectif des libertés démocratiques !

• la mise en oeuvre de la souveraineté populaire seul garant d’une Algérie indépendante, démocratique et sociale.