Publié le Lundi 5 mai 2025 à 20h15.

Allemagne : Le gouvernement Merz-Klingbeil ou le trumpisme light

La dernière variante du GroKo (Grosse Koalition, la grande coalition) avec Merz comme chancelier et Klingbeil (SPD) comme vice-président, veut, selon l’accord de coalition, représenter « la responsabilité pour l’Allemagne ». Traduit de la novlangue politique, cela signifie que le montant des profits est intouchable.

Après les élections, la CDU/CSU et le SPD, avec le soutien des Verts, ont fait adopter par l’ancien Bundestag des modifications de la loi fondamentale relatives au «frein à l’endettement». Un gouvernement fédéral qui n’est même pas encore en place s’est ainsi créé une énorme marge de manœuvre financière pour le réarmement et pour le soutien des intérêts du capital.

Des cadeaux pour le capital

La suspension du «frein à l’endettement» pour les dépenses d’armement et le paquet nébuleux de 500 milliards d’euros pour les investissements vont sans aucun doute faire entrer beaucoup d’argent dans les caisses de la plupart des grandes entreprises. Les armes de guerre ne sont pas seulement mortelles et destructrices de l’environnement, elles sont aussi un capital mort sans utilité sociale et économique.

Certes, le gouvernement Merz ne s’aventure pas encore aussi loin que Trump aux États-Unis en matière de «réduction de la bureaucratie», mais il veut supprimer 8 % des postes administratifs et «remigrer» les réfugiéEs, dans le droit fil de l’AfD.

Les entreprises devraient payer encore moins d’impôt sur les bénéfices, moins d’impôt sur les sociétés, moins de taxe sur l’électricité et profiter en outre d’amortissements massivement augmentés à 30 % par an. Selon les premiers calculs, l’État risque ainsi de perdre au moins 30 milliards d’euros de recettes annuelles. Il n’est bien sûr pas question dans l’accord de coalition de réactiver l’impôt sur la fortune prévu par la loi fondamentale.

Attaques contre les droits sociaux

La nouvelle coalition prépare de nouvelles attaques contre les droits sociaux et démocratiques de la classe ouvrière. La retraite doit certes être «stabilisée» dans un premier temps à son niveau actuel, trop bas, mais les énormes besoins de financement de l’assurance maladie et de l’assurance dépendance ne sont pas couverts. C’est pourquoi les prestations risquent d’être sensiblement réduites et les cotisations augmentées. Se soigner coûtera encore plus cher.

De plus, le nouveau gouvernement veut supprimer le «Bürgergeld» et restreindre encore plus le droit à la sécurité sociale de base1. Avec la «priorité du placement» et des sanctions encore plus sévères, il veut contraindre les chômeurs à accepter n’importe quel emploi, même mal payé. Cela augmente la pression salariale sur les travailleurEs et réduit leur marge de négociation.

Le terme «priorité de placement» fait référence à la tâche du centre pour l’emploi de placer le bénéficiaire de l’allocation dans un emploi, à savoir n’importe quel emploi disponible. La perception des prestations doit être interrompue le plus rapidement possible, que ce placement dans l’emploi disponible signifie ou non une intégration permanente sur le marché du travail. Les possibilités de formation complémentaire, de perfectionnement ou d’éducation ne sont pas utilisées lorsque la priorité est donnée au placement.

Politique contre les travailleurs

Le gouvernement Merz-Klingbeil annonce une politique contre les travailleurs. Il veut abolir l’acquis historique de la journée de huit heures. La durée de la journée de travail serait remplacée par une durée maximale par semaine. La nouvelle loi prévue sur le temps de travail ouvre la porte à tous les abus. La défiscalisation des heures supplémentaires sape encore davantage la protection de la santé des travailleurEs.

Les partenaires de la coalition parlent certes d’un salaire minimum – déjà bien trop bas actuellement – de 15 euros à partir de 2026, mais c’est la commission des salaires minimums qui doit décider de ce plancher salarial, et le patronat y a un pouvoir de blocage. L’adoption d’une «loi fédérale sur les conventions collectives» doit garantir que seules les entreprises ayant signé une convention collective obtiennent des marchés publics. Le taux de couverture des conventions collectives, déjà bien trop faible, n’en sera pas pour autant augmenté de manière sensible. Il manque bien sûr l’introduction de conventions collectives obligatoires, l’extension du droit de grève, très limité en RFA, et le renforcement des droits des travailleurEs et de leurs organisations représentatives.

Adaptation ou résistance ?

Le programme de gouvernement ne contient aucun projet visant à améliorer réellement la situation des classes populaires, en particulier les plus précaires, exclus depuis longtemps, et aucune pensée n’est «gaspillée» dans le contrat de coalition pour la lutte contre la pauvreté qui ne cesse de s’étendre. Avec au contraire l’enrichissement toujours plus effréné des riches et des super-riches.

Les dirigeants syndicaux ne critiquent que timidement certains projets gouvernementaux. Et les directions des syndicats de l’industrie se réjouissent apparemment des prévisions de renforcement économique et militaire du capitalisme allemand.

La protestation ou même la résistance contre cette évolution menaçante, qui renforce encore davantage l’AfD fasciste, devra être développée par la base.

Heinrich Neuhaus

 

  • 1. L’allocation citoyenne (Bürgergeld) est la prestation minimale pour les chômeurs en Allemagne (Grundsicherung für Arbeitslose). Avec l’introduction du revenu citoyen en 2023, le gouvernement allemand a remplacé le système tellement controversé du Hartz IV (ou Arbeitslosengeld II), entré en vigueur en 2005. Aujourd’hui, environ 5 millions de personnes sont concernées par cette allocation chômage de base.