Publié le Samedi 3 février 2018 à 10h47.

Allemagne : Le retour de la « grande coalition »

« Il y a de ces victoires dont on se remet pas » : c’est ainsi que Robin Alexander, journaliste politique allemand, a commenté celle du chef du SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne), Martin Schulz, suite au mini-congrès tenu le dimanche 21 janvier 2018.

Ce mini-congrès a ouvert la perspective d’une entrée du SPD dans une nouvelle « grande coalition » réunissant les deux partis de « l’Union », la CDU chrétienne-démocrate et la CSU chrétienne-sociale, avec les sociaux-démocrates. Les négociations pour la constitution du cabinet ont été officiellement ouvertes ce lundi 29 janvier.

Volte-face du SPD

Le SPD, plus vieux parti existant en Allemagne, a déjà participé à des « grandes coalitions » dirigées par Angela Merkel, entre 2005 et 2009, puis entre 2013 et aujourd’hui. Lors des élections législatives fédérales du 24 septembre 2017, le parti a obtenu le pire score de son historie d’après 1945 avec 20,5 % des voix, et exprimé son refus de négocier avec Merkel. La droite CDU/CSU a ensuite mené des négociations pour la formation d’une coalition gouvernementale avec le FDP (parti libéral, voire ultralibéral) et les Verts. Si le parti écologiste, aujourd’hui devenu largement centriste après avoir été ancré à gauche dans les années 1980, a négocié de manière bien opportuniste, c’est le FDP qui a fini par faire échouer les pourparlers en novembre 2017. 

Au nom de la raison d’État, le Parti social-démocrate a donc fait volte-face. Mais c’est à une courte majorité de 56 % des voix des déléguéEs que le mini-congrès a acté l’accord pour négocier une nouvelle participation au gouvernement, au côté de la CDU/CSU. 

Par ailleurs, il a aussi exprimé ses doutes sur le contenu d’une future coalition, en adoptant une résolution qui réclame ouvertement des modifications – après coup – du document d’« accord de principe pour négocier », auparavant conclu entre SPD et CDU/CSU. Le SPD exige ainsi, selon cette résolution, qu’il ne puisse plus y avoir des contrats de travail sous forme de CDD sans motif de recours précisé. Il demande aussi que soit mis fin à l’inégalité extrêmement forte entre les différents régimes d’assurance maladie, dont les perdantEs sont actuellement à la fois les salariéEs sans mutuelle (n’étant couverts que par l’assurance maladie publique) et les « petits » indépendants ou travailleurEs faussement indépendants, écrasés par le coût de leur couverture de santé. Il est improbable que le SPD réussira à imposer ces demandes.

L’extrême droite à l’affût 

Il paraît déjà loin le temps où Martin Schulz, ancien président du Parlement européen, faisait une entrée triomphale dans la politique intérieure allemande, au cours de l’hiver 2016-2017. Alors qu’il adoptait un discours se voulant « social »… mais se révélant vite bien creux, des dizaines de milliers de nouveaux et nouvelles adhérentEs avaient rejoint le SPD au cours du premier trimestre 2017. L’euphorie n’a pas duré, elle a vite été douchée par l’apparition du vide derrière les belles phrases. 

Le pire dans tout cela, c’est que l’extrême droite – notamment sous forme du parti AfD (« Alternative pour l’Allemagne ») – risque de profiter fortement de l’érosion de la base du SPD, si celle-ci continue. Au mois de mars 2018 auront lieu les élections aux comités d’établissement en Allemagne. Pour la première fois, à l’instar de la liste « Zentrum Automobil » qui avait déjà obtenu environ 10 % des voix chez Daimler-Benz il y a quatre ans, plusieurs dizaines de listes d’extrême droite pourraient apparaître. Le parti AfD, malgré un programme officiel qui reste largement ultra­libéral, a commencé à se doter d’une politique pseudo-syndicale et paraît bien décidé à forcer la porte des anciens fiefs sociaux-démocrates…

Bertold du Ryon