Tout est calme... en apparence. Rien ne vient perturber la marche d’Angela Merkel, chancelière de la République Fédérale d’Allemagne, à l’intérieur de son parti : l’Union chrétienne-démocrate (CDU)...
Lors du dernier congrès de la CDU, qui s’est tenu la semaine dernière à Cologne, Merkel a été réélue à la tête du parti avec 96,72 % des suffrages des déléguéEs. Bien qu’elle soit en baisse de 1,2 % par rapport à 2012, elle ne pourra pas se plaindre de ce score.Pas plus, d’ailleurs, que la chef du gouvernement ne se plaindra des résultats économiques du pays. L’Allemagne fait pour le moment figure de principal gagnant des crises qui secouent le reste de l’Europe, attirant les investissements financiers pour lesquels elle n’est pas obligée d’offrir des taux d’intérêts astronomiques comme certaines pays du sud du continent, et a officiellement prévu d’atteindre l’équilibre budgétaire en 2015.Mais le pays, qui a connu un ralentissement économique notable au troisième trimestre 2014 avec une croissance tombée à + 0,1 %, risque d’être touché par la crise. Son économie étant tirée essentiellement par le moteur des exportations – l’Allemagne était le troisième plus grand exportateur mondial en 2013, derrière la Chine et les USA – et nettement moins par le marché intérieur, les autres pays de l’Europe et du monde ne payeront pas indéfiniment pour éviter la crise à l’Allemagne.Le parti de la droite souverainiste AfD (« Alternative pour l’Allemagne ») surfe sur les peurs d’une partie de la population, surtout des classes moyennes, craignant le déclin économique et social. Dans son profil, ce parti situé à la droite de la droite ressemble plus au Ukip britannique ou à la mouvance de Philippe de Villiers qu’au FN, en raison de son orientation économique clairement libérale – ou plutôt nationale-libérale – et de sa composition sociale plutôt élitiste. Mais il attire un électorat qui serait également tenté par un parti comparable au FN si celui-ci existait en Allemagne.
De nouveaux clivages idéologiques ?Au sein de la CDU, le débat sur le rapport à l’AfD a commencé. En août, le directoire du parti avait décidé de refuser toute coopération avec l’AfD, la CDU devant garder une orientation pro-Union européenne. Lors du congrès de Cologne, Merkel a même fait miroiter une alliance éventuelle avec les Verts (en lieu et place de la « Grande coalition » actuelle avec les sociaux-démocrates), regrettant à la tribune du congrès que les Verts aient interrompu les négociations sur la formation d’un gouvernement en 2013.Sous Merkel, qui passe plutôt pour la tenante d’un « pragmatisme » assez « désidéologisé » et surtout orienté par le maintien au pouvoir, une partie de la base conservatrice exprime l’absence de « repères idéologiques », et lorgne vers l’AfD. D’autant plus que celui-ci a réalisé quelques percées électorales en 2014, allant jusqu’à 13 % dans des scrutins régionaux.En même temps, le succès de plusieurs manifestations locales sous le sigle des « patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident » (PEGIDA, avec des déclinaisons locales), dont Dresde avec plus de 10 000 manifestantEs alors que cette capitale régionale de Saxe compte 0,2 % de musulmans, procure une nouvelle base militante aux forces de droite. Cette poussée peut nourrir à la fois l’AfD mais aussi la CDU, dont les dirigeants se disputent sur la position à prendre (faut-il y répondre par un refus, en traitant le mouvement d’extrémiste, ou faut-il comprendre les motifs des manifestants ?), poussant ces partis vers des clivages et positionnements plus idéologiques.
Bertold du Ryon