Publié le Mercredi 29 juin 2016 à 09h54.

Après le Brexit, des défis pour la gauche britannique et européenne

Le vote en faveur du Brexit (52 % contre 48 %) crée une onde de choc non seulement au Royaume-Uni mais dans l’ensemble des pays d’une Union européenne déjà contestée et en crise. Cela pose de sérieux défis à la gauche anticapitaliste face à un rejet populaire grandissant de cette institution.

Pendant la campagne, les Conservateurs, parti historique du grand capital britannique, ont été fortement divisés. Le résultat du vote n’a fait qu’accélérer sa crise avec la démission du Premier ministre Cameron, l’élection à venir d’un nouveau dirigeant, et peut-être de nouvelles élections législatives qu’ils pourraient perdre.

Mais l’impact le plus important du vote est la perspective d’une dislocation du Royaume-Uni lui-même. L’Écosse, qui a voté majoritairement pour rester dans l’UE, exigera sans doute un nouveau référendum sur l’indépendance qu’elle gagnera très certainement. En Irlande du Nord, après aussi un vote majoritaire pour rester, la question de l’indépendance, voire d’une réunification avec le sud, se pose. Puissance impérialiste majeure aujourd’hui, le Royaume-Uni risque de descendre de quelques rangs... On comprend donc pourquoi la majorité des grandes sociétés, banques et confédérations patronales britanniques s’étaient opposées au Brexit.

Les classes populaires et l’Union européenne

Ces dernières années, à chaque fois que les peuples ont eu l’occasion de voter sur la politique de l’UE lors d’un référendum, elle a été rejetée : en France, au Pays-Bas, en Grèce. Et à chaque fois, ce sont les classes populaires qui votent largement contre. Sur le Brexit, si Londres et le sud-est de l’Angleterre (plus riche) ont voté majoritairement pour rester, dans les grands bassins industriels du nord, davantage touchés par les ravages de la crise, on a voté majoritairement pour le Brexit, tout comme entre 30 % et 40 % des électeurs travaillistes.

Par contre, si en Grèce en 2015, la campagne contre l’UE a été menée par une gauche anti-austérité et anti-troïka, la campagne pour le Brexit a été très fortement dominée par la droite et l’extrême droite, relayée par une presse de caniveau qui déversait pendant des semaines une propagande anti-migrantEs et islamophobe d’une rare violence. Les frustrations et la colère de beaucoup de travailleurEs ont été détournées au profit de forces profondément réactionnaires. Il n’y a bien sûr rien d’inévitable dans ce scénario, mais tout l’enjeu pour la gauche anticapitaliste est de pouvoir faire en sorte que cette révolte contre les effets de la crise et ce rejet d’une institution qui échappe à tout contrôle démocratique, ne soient pas captés par la droite raciste, mais tournés contre l’austérité et les véritables responsables de la situation.

Défis pour la gauche anticapitaliste

Au Royaume-Uni, la gauche anticapitaliste était divisée sur l’attitude à avoir, sur le vote et sur la campagne à mener. Dans un numéro précédent, nous avons publié un dossier sur les enjeux de la campagne en donnant la parole à deux camarades pour présenter les arguments de leurs organisations respectives, d’un côté d’un « rester dans l’UE mais critique » et de l’autre d’un « Lexit/sortie de gauche ». Nous ne reviendrons donc pas ici sur le détail de ces argumentations, mais les questions soulevées par ce débat sont aussi d’une importance cruciale pour la gauche anticapitaliste ici en France et dans les autres pays de l’UE. Presque partout, l’extrême droite rêve de reproduire ce qui vient de se passer en Grande-Bretagne et commence déjà, comme l’a fait Marine Le Pen, à réclamer un référendum sur la sortie de l’UE. Il est donc essentiel pour les anticapitalistes de clarifier notre attitude par rapport à l’UE et de mener le débat avec toute la gauche antilibérale et réformiste ainsi que dans le mouvement social.

Ces prochains mois, le FN (et peut-être une partie de la droite) cherchera à profiter de la méfiance justifiée vis-à-vis de l’UE et à la lier à leur propagande haineuse contre les migrantEs et les musulmanEs. Nous aurons alors besoin non seulement de dénoncer la véritable nature capitaliste et réactionnaire du « club des patrons » qu’est l’UE et la démagogie du FN mais aussi de participer avec d’autres à la construction de mouvements et de campagnes sur le terrain qui permettront de redonner confiance et de tracer la voie pour une alternative anticapitaliste, internationaliste et antiraciste. Il y a urgence.

Ross Harrold