Publié le Samedi 15 février 2025 à 14h00.

Déni d’humanité. Le rejet européen des personnes conduites à l’exil, de Claude Calame

Éditions du Croquant, 2024, 62 pages, 5 euros.

Ce petit livre est une excellente analyse critique de la politique européenne envers les réfugiéEs, qui est un véritable scandale éthique et politique. L’auteur est directeur d’études à l’EHESS (École des Hautes Études en sciences sociales) à Paris et militant écosocialiste.

Comme le montre Claude Calame, les migrantEs sont pour la plupart victimes de guerres et de catastrophes sociales et environnementales pour lesquelles les puissances impérialistes et l’Europe en particulier sont largement responsables. On compte 108 millions de personnes déplacées en 2022, dont l’écrasante majorité se positionne à l’intérieur d’un même pays ou dans un pays (pauvre) limitrophe. Moins de 1 % de ces personnes contraintes au déplacement essayent d’arriver en Europe. 

Politique inhumaine de fermeture des frontières

La politique européenne de fermeture des frontières est directement responsable de 50 000 morts environ depuis le début des années 2000, pour la plupart naufragéEs dans la Méditerranée. La police européenne des frontières, Frontex, joue un rôle déterminant dans la pratique de blocage et refoulement des migrantEs. Ce n’est pas un hasard si son ex-directeur, Fabrice Leggeri, a été élu député européen sur la liste du Rassemblement national lepéniste. Un des aspects les plus sinistres de cette orientation, ce sont les accords avec les garde-côtes libyens pour empêcher les migrantEs de partir, en les enfermant dans des camps où ils et elles sont soumis à des extorsions, des viols et des tortures. Il s’agit, constate Claude Calame, d’un véritable déni d’humanité. 

Mesures répressives

Pour celleux qui arrivent, malgré tout, à atteindre les côtes de l’Europe, on a préparé un arsenal de mesures répressives, dans une logique de contrôle, de harcèlement et de bannissement, qui inclut aussi la criminalisation des aides et donc le « délit de solidarité ». Les divers gouvernements français se sont illustrés avec leurs mesures légales antimigrantEs, dont la loi Darmanin est tristement un bon exemple. 

Cet ensemble de pratiques constitue, selon Claude Calame qui cite les travaux de divers juristes, un crime contre l’humanité. Heureusement des militantEs de la solidarité tentent de résister, en sauvant les migrantEs naufragéEs (SOS Méditerranée) ou en assurant leur accueil une fois arrivéEs en France ou Europe. Il s’agit, signale l’auteur, de partager avec elles et eux notre commune humanité. Mais en dernière analyse, seule la rupture écosocialiste avec le système dominé par le néolibéralisme autoritaire auquel nous sommes confrontéEs peut renverser la situation.

Michael Löwy