Le projet du corridor de Lobito, de la Zambie à l’Angola, s’inscrit dans une concurrence inter-impérialiste exacerbée pour le contrôle des ressources critiques en Afrique.
C’est le premier mais aussi le dernier voyage de Biden en Afrique quelques semaines avant la fin de son mandat. Sa visite en Angola au début du mois de décembre n’est pas anodine car ce pays est la pièce maîtresse d’un investissement majeur pour les USA ainsi que l’Union européenne (UE) : le corridor de Lobito.
Circulation des marchandises
Il s’agit de la mise en place d’un chemin de fer reliant la Zambie au port angolais de Lobito en passant par la République démocratique du Congo. Avec son tracé desservant les principales villes minières, il deviendrait un important axe de transit pour les principaux minerais nécessaires à l’industrie de la transition énergétique. Il s’agit notamment du cuivre de Zambie, du cobalt, du tungstène et autre coltan pour la RDC.
Les USA et l’Union européenne ont financé ce projet à hauteur respectivement de 4 milliards et 6 milliards de dollars. Il consiste en la rénovation de plus d’un millier de kilomètres de voies ferrées et la construction d’un nouveau tronçon de 800 km pour relier la Zambie, l’achat de locomotives et wagons ainsi que des infrastructures routières, des aires de stockage et pour l’Angola quelques unités de raffinage primaire. Cela implique aussi une harmonisation des politiques douanières et commerciales entre les trois pays. L’objectif affiché : passer d’un temps de transport de 45 jours à 45 heures.
Concurrence interimpérialiste
Le corridor de Lobito est vu également comme un outil pour disputer la suprématie de la Chine sur le Continent. En effet, ce pays fait transiter l’essentiel des minerais vers l’océan Indien à travers la Tazara (TAnzania ZAmbia RAilway) construite en 1975 par les Chinois.
Si les USA et l’UE vantent le corridor de Lobito comme un projet environnemental, on peut émettre des sérieux doutes car il participe à une économie extractiviste et relègue les pays africains à un simple rôle de réserve minière. De plus la concession d’exploitation de cette ligne a été remportée par la multinationale suisse Trafigura, celle-là même qui n’a pas hésité en 2006 à déverser dans la lagune d’Abidjan des tonnes de déchets chimiques intoxiquant des dizaines de milliers d’habitantEs.
Si, du côté angolais on est fin prêt, c’est loin d’être le cas pour la RDC confrontée à une crise sécuritaire liée en partie à l’agression rwandaise. L’Angola tente de trouver une solution de paix durable entre les deux pays. Le débouché vers l’océan Atlantique de ces ressources critiques correspond à la volonté occidentale de s’affranchir de l’hégémonie construite par la Chine sur la transformation des minerais.
Au début du 20e siècle, les colonisateurs belges et portugais avaient construit ce corridor pour exporter les ressources africaines nécessaires à l’Europe. Cent ans plus tard, l’objectif demeure identique, signifiant que les relations de domination économique des pays riches sur l’Afrique n’ont guère évolué.
Paul Martial