Publié le Lundi 20 novembre 2017 à 10h07.

Argentine : Des points d’appui face à un avenir incertain

La situation argentine présente certaines similitudes avec celle que nous connaissons en France. Comme ici, les deux formations qui étaient depuis des décennies les piliers du bipartidisme bourgeois ont éclaté ou se retrouvent dans une crise profonde. « Cambiemos » (« Changeons »), héritier de l’alliance que le président Mauricio Macri avait créée à partir de membres isolés des vieux partis, vient de gagner les élections intermédiaires (parlementaires partielles entre deux élections présidentielles), en renforçant ainsi son gouvernement.

Commençons par dire que le « progressisme » des Kirchner, Néstor puis Cristina, a été assez différent des autres progressismes d’Amérique latine. La majeure partie de ces dirigeants sont arrivés au pouvoir après avoir été à la tête ou participé à de très grandes mobilisations populaires. Cela a été le cas de Chávez au Venezuela et d’Evo Morales en Bolivie. Lula n’a pas été élu à la suite de mobilisations de masse, mais il était un dirigeant politique et syndical reconnu.

 

Un bilan du « progressisme » kirchnériste

On ne peut rien dire de tel de Néstor et Cristina Kirchner. Néstor Kirchner était inconnu des masses lorsqu’il a été investi comme candidat à la présidence par un secteur du Parti justicialiste (PJ, péroniste). Se présentant face au détesté Carlos Menem, artisan du mythe de la parité entre le peso et le dollar qui avait conduit à l’explosion de 2001, il avait été devancé au premier tour et ne s’était retrouvé élu qu’après le retrait de Menem, qui savait qu’il serait écrasé s’il se maintenait au second tour.

Néstor Kirchner était un entrepreneur millionnaire, dirigeant du PJ de la province de Santa Cruz (dans le sud du pays), qui avait suivi sans broncher Menem et son rouleau-compresseur néolibéral pendant les dix années de son mandat. C’est Eduardo Duhalde, dirigeant du PJ intronisé président le 2 janvier 2002, qui l’avait parrainé.

Duhalde avait accédé à la présidence après que la mobilisation populaire de décembre 2001 eut fait tomber successivement quatre gouvernements. Son rôle était d’aller au bout du mandat du président déchu, de la Rúa, afin de remettre à son successeur, le 19 décembre 2003, un pays pacifié et dont les institutions bourgeoises auraient été recomposées. Pour cela, Duhalde a fait le sale travail de la maxi-dévaluation et de la reconversion au peso d’une économie dollarisée. Ces mesures ont déclenché une inflation galopante qui a réduit les salaires de presque 50 %, les faisant tomber à leur niveau le plus bas depuis cinquante ans. Cela a permis de reconstituer les profits des secteurs productifs tournés vers l’exportation, tout en protégeant les secteurs moins compétitifs, orientés vers le marché intérieur. La situation de la population s’est détériorée au point que dans de nombreux endroits, les gens ont dû recourir au troc pour pouvoir s’alimenter et couvrir d’autres besoins de base. Mais les réseaux que les masses ouvrières et populaires ont alors créés ont empêché qu’elles se sentent défaites.

Les Kirchner, Néstor puis Cristina, avaient pour tâche de freiner les mobilisations et de défaire le mouvement ouvrier et populaire. La reprise économique résultant de la maxi-dévaluation puis du boom des matières premières a débouché sur un fort développement des exportations et un très large excédent de la balance commerciale. Comme les masses n’avaient pas été défaites, les Kirchner se sont vus obligés d’appliquer une politique redistributive pour acheter une relative paix sociale. Ils ont donc utilisé les devises entrant dans le pays en paiement des exportations pour financer des plans massifs de soutien aux chômeurs, grâce auxquels ils ont coopté la majorité des dirigeants du mouvement piquetero. Lorsque le chômage s’est réduit suite à la reprise économique, les luttes syndicales les ont ensuite contraints à concéder des augmentations des salaires réels.

Leur but n’a jamais été d’ouvrir une quelconque voie au « socialisme ». Les Kirchner ont maintenu les privatisations néolibérales – avec quelques exceptions partielles et trompeuses – et approfondi le modèle économique extractiviste exportateur de matières premières, en aggravant ainsi la traditionnelle dépendance du modèle de capitalisme latino-américain envers le capital impérialiste. Quand la rente du soja, des minerais et du pétrole a commencé à s’épuiser, la bourgeoisie argentine et les bourgeoisies impérialistes, qui avaient fait des profits substantiels sous les Kirchner, ont préféré porter au pouvoir quelqu’un qui leur promettait d’en finir avec les coûts du « progressisme ».

Ne pouvant plus se présenter à la présidence après ses deux mandats consécutifs, Cristina Kirchner a voulu faire en 2015 la même chose que Lula au Brésil ou Correa en Equateur : soutenir un candidat de second plan qui ne ferait qu’un seul mandat, pour ensuite se présenter à nouveau à la présidentielle en 2019. Ce candidat a été l’entrepreneur et gouverneur de la province de Buenos Aires, Daniel Scioli, ancien vice-président de Néstor Kirchner. Scioli n’était pas mal vu par la bourgeoisie argentine. Certains de ses secteurs le préféraient y compris à Mauricio Macri, en considérant que comme dirigeant péroniste, il pouvait être plus à même de contrôler les masses.

Tous savaient en outre que les différences programmatiques entre Macri et Scioli – deux patrons à succès et de plus, amis d’enfance – n’étaient que de degré. La chute des prix des matières premières et la crise politique et économique au Brésil – premier marché d’exportation de l’Argentine – ne laissaient que des choix limités. Que l’un ou l’autre occupe la présidence, il aurait à mener une tâche ingrate : négocier avec les fonds vautours le paiement de la dette extérieure qui était entrée en défaut en 2001, liquider le contrôle des changes (ce qui provoquerait une dévaluation du peso et une hausse de l’inflation), appliquer les hausses des tarifs de l’électricité, du gaz, de l’eau et des transports qu’exigeaient les entreprises privées, tout en éliminant, afin de réduire le budget de l’Etat, les subventions que Cristina Kirchner accordées.

 

Macri, les investissements qui n’arrivent pas et la dette extérieure

Le plan de Cristina Kirchner s’est trouvé réduit à néant après la défaite en 2015 du « Front pour la victoire » (la coalition du Parti justicialiste avec, entre autres, le Parti communiste d’Argentine, le Parti humaniste, le Parti intransigeant, le Front grand et des secteurs du Parti radical). Le vainqueur des élections été Mauricio Macri, qui a obtenu 34,19 % des voix au premier tour et à peine 51,34 % au second tour.

Selon la Banque mondiale, le PIB a baissé de 0,5 % au cours des deux années écoulées. La multiplication des licenciements a porté le chômage à 8,5 % de la population, les tarifs des secteurs publics ont tous augmenté, parfois jusqu’à 70 %, et l’inflation a dépassé les 40 % pour la première fois depuis quatorze ans. Selon l’INDEC (Institut national de statistiques et de recensement), entre janvier et juillet 2016, 32,2 % des Argentins sous le seuil de pauvreté, dont 6,3 % dans l’indigence.

Cette tendance a commencé à s’inverser à la fin 2016, lorsque le taux de pauvreté est tombé à 30,3 %, avant de passer à 28,6 % à la mi-2017. Les raisons en sont l’augmentation de la demande de matières premières de la Chine et des Etats-Unis ainsi que le rebond économique au Brésil, qui ont permis une certaine reprise après deux années de contraction économique. Selon la CEPAL (Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe), l’Argentine devrait connaître en 2017 une croissance de 2,4 %.

Mais ce qui préoccupe la bourgeoisie est surtout le déficit fiscal et la manière dont le gouvernement le couvre. Cristina Kirchner finançait ce déficit avec des dollars détenus par la Banque centrale ainsi que de la création de monnaie, ce qui provoquait une chute des réserves et avait des effets inflationnistes. Tout le plan économique de Macri se basait sur l’espoir qu’avec son arrivée au pouvoir, les capitaux étrangers allaient affluer. Afin de démontrer que l’Argentine est un pays « fiable », Macri s’est empressé de solder la dette envers les fonds vautours. Mais au bout de deux ans, les investissements n’arrivent toujours pas.

Macri sait que s’il supprime des aides aux chômeurs ou des subventions au transport, il risque une explosion sociale. Par ailleurs, il ne veut pas faire fonctionner la planche à billets parce qu’il veut réduire l’inflation. Dès lors, sa seule possibilité est de s’endetter à l’étranger. Macri a ainsi émis des bons de la dette à dix ans au même taux que la Grèce : 7 % (quand l’Uruguay le fait à 4,25 %). Cette année, le gouvernement a budgété 16 milliards de dollars pour le paiement des intérêts de la dette, ce qui représente le double du budget de l’éducation et le triple de celui de la santé. Profitant de sa victoire électorale du 22 octobre 2017, il vient d’emprunter 2,75 milliards de dollars à travers l’émission de bons à cent ans dont le rendement sera de 7,9 % annuels.

Les provinces (régions de l’Etat fédéral) et les entreprises se sont jointes à ce processus d’endettement en monnaie étrangère, augmentant d’autant la dette extérieure. Selon le ministère des finances, à la fin mars 2017 celle-ci atteignait 284,8 milliards de dollars, soit 21 % de plus qu’un an auparavant et une augmentation de 26 % par rapport à la fin du mandat de Cristina Kirchner. Cette dette s’élèverait maintenant à 51,2 % du PIB.1 Avec une dette extérieure qui croît de 100 millions de dollars par jour, chacun des 44 millions d’Argentins doit déjà 4363 dollars – des chiffres qui rappellent la cessation de paiement de 2001. Sans compter qu’une partie de ces emprunts sont allés alimenter directement des comptes situés à l’étranger : les fuites de capitaux sont estimées à 18 milliards de dollars depuis décembre 2015.

Pour l’instant, Macri a le soutien de la bourgeoisie argentine. Le congrès de l’IDEA (Institut pour le développement entrepreneurial de l’Argentine), qui réunit chaque année tous les secteurs patronaux du pays (et qui a bénéficié en 2017 de la présence de dirigeants politiques et syndicaux justicialistes), s’est montré compréhensif envers la politique « gradualiste » du président. Selon Mario Blejer, ancien président de la Banque centrale, « les entrepreneurs espèrent la poursuite du gradualisme afin de maintenir la paix sociale et l’ordre. Sans cela, il n’y aura pas non plus d’investissements. »2

Mais le patronat, local comme étranger, réclame deux choses : une réforme du droit du travail qui facilite les licenciements et une baisse des impôts. Tous ont les yeux rivés sur le Brésil, où Temer est parvenu à imposer une réforme du droit du travail brutale. Macri, qui sait que le mouvement ouvrier argentin résisterait, a cependant préféré passer un accord avec la bureaucratie syndicale péroniste. Contre son engagement à convaincre les travailleurs d’accepter cette réforme, il lui avait promis qu’elle ne serait pas aussi violente que celle du Brésil. Dans cette configuration, les bureaucrates devaient aussi conserver le contrôle des plans de sécurité sociale. Mais la claire victoire de Macri dans les élections législatives du 22 octobre pourrait changer la donne.

 

Pourquoi Macri a-t-il gagné ?

Il n’est pas évident de comprendre pourquoi Macri l’a emporté aussi nettement, mais il est certain que le climat a changé dans les mois ayant suivi les PASO.3 La légère amélioration de la situation économique ne peut pas être la seule explication. Il est vrai qu’avant les élections, le gouvernement avait ouvert de nouvelles lignes de crédits à la consommation ou immobiliers, qui avaient suscité un certaine vague consumériste et d’optimisme dans des secteurs de la classe moyenne appauvrie, ce qui rappelait des phénomènes vus sous Menem dans les années 1990. A cette époque, Menem avait accordé des crédits en dollars qui avaient boosté sa popularité auprès de la petite-bourgeoisie, ce qui lui avait permis d’être réélu. Mais ces crédits se sont avérés explosifs en 2001, lorsque la crise de la dette extérieure a éclaté.

Un facteur alarmant est l’influence pratiquement nulle que l’apparition du cadavre de Santiago Maldonado a eue sur le résultat électoral, dans un pays où la mémoire des 30 000 disparus de la dictature militaire reste pourtant très vivace. Ce jeune tatoueur de 28 ans avait disparu lors de l’intrusion illégale de la gendarmerie dans un territoire autonome mapuche. Pendant 80 jours, le pays avait été tenu en haleine et une succession de manifestations avait exigé son apparition en vie. Pour discréditer Santiago, sa famille, les Mapuches et le mouvement des droits de l’homme, Macri et ses équipes ont employé le même discours que celui que la dictature utilisait à l’égard des disparus.

Mais une raison essentielle expliquant la victoire de Cambiemos (avec un peu plus de 40 % des voix) est l’éclatement du péronisme. Les douze années de gouvernement des Kirchner ont généré des haines et des rancœurs qui, dans un pays très politisé comme l’est l’Argentine, ont divisé des familles et détruit des amitiés, ainsi que des alliances au sein du mouvement péroniste. Un péronisme uni aurait certainement remporté ces élections. Mais il s’est retrouvé divisé en trois, entre les listes du Front justicialiste (impulsées par l’appareil traditionnel du parti et l’essentiel de la bureaucratie syndicale), celles de l’Unité citoyenne (formée par le « cristinisme » et ses alliés) et celles de « 1 Pays» de Sergio Massa, qui prétendait incarner une « rénovation » péroniste.

Avec ses 3,48 millions de voix dans la province de Buenos Aires et ses 5,27 millions à l’échelle du pays, Cristina Kirchner est malgré sa défaite la dirigeante péroniste ayant obtenu les meilleurs résultats. Ceux du Front justicialiste comme de Massa ont été, comparativement, très décevants. Dans la province de Buenos Aires, qui regroupe presque 40 % de la population du pays, Sergio Massa a devancé le FIT (Front de la gauche et des travailleurs, trotskyste), mais ce dernier a gagné deux députés nationaux en battant la liste du Front justicialiste.

Tant le Front justicialiste que Massa sont intervenus dans ces élections comme ils l’ont fait précédemment au parlement, où ils apportaient à Macri les voix nécessaires afin de faire passer ses contre-réformes. A l’inverse, Cristina Kirchner a affirmé que son groupe parlementaire formerait la base de l’opposition au gouvernement. Il reste à voir jusqu’où elle ira. Son plus sérieux problème est les procédures pour corruption qui la visent elle, sa famille ou ses obligés politiques et du monde des affaires. A quoi s’ajoute le scandale du cas Nisman et les soupçons de complicité dans l’attentat contre l’AMIA.4

 

Y aura-t-il un « cycle macriste » ?

Deux ans après son accession à la présidence, Macri a réussi à faire ce qui n’était arrivé que deux fois, en 1985 et en 1997 : défaire le péronisme dans des élections intermédiaires. Cambiemos l’a emporté dans 13 des 23 provinces, y compris certaines qui étaient des bastions péronistes depuis des décennies. Même s’il ne dispose que d’un tiers des députés afin de faire passer les réformes exigées par la bourgeoisie nationale et internationale, sa victoire sur un péronisme en crise débouche sur une situation où l’opposition parlementaire sera faible. Cette victoire, que le capital financier a saluée en baissant de quatre points le risque-pays de l’Argentine, lui ouvre également une perspective de réélection en 2019.

C’est sur cette base que Macri a pu, lors de sa conférence de presse du 23 octobre, appeler les parlementaires, les entrepreneurs et les représentants du pouvoir judiciaire à un « grand accord national » – un geste que lui demandaient le chef du groupe justicialiste au sénat comme le président de l’Union industrielle argentine (le Medef local). Selon le président, la conférence à venir traitera des changements « nécessaires » pour le pays en matière « politique, institutionnelle et de système fiscal ». L’ordre du jour sera le budget 2018, la loi qui distribue des fonds aux provinces, la réforme des impôts mais aussi des réformes politique, éducative et judiciaire.

Selon la fondation Argentina 2030, un think-tank créé par le gouvernement, Macri ne veut pas imposer un modèle néolibéral à marche forcée ni mettre en cause les dispositifs de protection sociale créés par Perón dans les années 1950 et réactivés par les Kirchner. Il s’agirait plutôt de protéger le marché national à travers une série d’aides et de limiter l’intervention de l’Etat dans l’économie, l’appareil judiciaire et le système financier. Macri veut moderniser l’industrie du pays en diversifiant les exportations avec des produits tels que le biodiesel, le vin et les automobiles, ainsi qu’en développant des secteurs de services. Mais il lui faut pour cela opérer des changements dans le système éducatif et les relations de travail.

Le problème est que l’Argentine est un pays profondément divisé et avec de graves problèmes structurels. Les coûts de logistique y sont parmi les plus élevés au monde, presque la moitié des personnes actives travaillent au noir, l’éducation publique est en crise, les chemins de fer ont été démantelés depuis la privatisation des années 1990 et la population considère l’institution judiciaire comme l’une des plus corrompues de l’Etat. A cela s’ajoute le fait que sous Macri, le pays a recommencé à s’endetter fortement à l’étranger – et chacun sait d’expérience comment cela peut se terminer.

 

Le mouvement ouvrier et la gauche5

Un élément n’entre pas dans les analyses bourgeoises : que va faire le mouvement ouvrier et populaire ? Pour que les plans de contre-réforme aboutissent, il faut que la CGT impose aux travailleurs l’acceptation de l’ajustement qui vient. Sont notamment concernés les fonds affectés à la protection sociale, qui représentent des sommes considérables. Mais les bureaucrates sont divisés et, de plus, conscients que pour agir comme digue de contention, ils n’ont plus la même efficacité que dans les années 1990. Ces dernières années a en outre surgi une couche de jeunes militants qui reprennent les traditions du syndicalisme de classe et combatif des années 1960/70, lancent des grèves sauvages, occupent des usines, refusent de reconnaître les accords négociés par les directions syndicales et sont dirigés par la gauche.

Il existe également un mouvement social de masse pour les droits de l’homme, né à travers les mobilisations contre la dictature militaire et les tentatives d’amnistier ses représentants. Ce mouvement, hautement politisé, s’exprime aujourd’hui dans les manifestations « Ni una menos » contre les féminicides ou dans celle qui exigent la vérité sur la disparition puis la mort de Santiago Maldonado. Lors des manifestations syndicales, ses cortèges défilent au côté des organisations de gauche, en opposition à ceux de la bureaucratie syndicale.

Les élections du 22 octobre ont montré que la gauche commençait à percer au niveau électoral. Les 1,3 million de voix obtenues par le FIT au niveau national (meilleur résultat pour la gauche dans toute son histoire), ses deux députés entrés au parlement national après avoir devancé le Front justicialiste dans la province de Buenos Aires, les députés provinciaux et conseillers élus dans tout le pays signifient une avancée remarquable. Durant des années, la gauche trotskyste avait attendu que saute la chape de plomb que le péronisme faisait peser sur la conscience du mouvement ouvrier. Maintenant que cela se produit, le secteur de la gauche organisé dans le FIT est en situation de le capitaliser.

Macri dit que son plan est à vingt ans, au terme desquels le pays se trouverait transformé à tous les niveaux. Ce n’est pas la première fois qu’un président fait de telles promesses. Le dernier à avoir promis de faire entrer l’Argentine dans le « Premier monde » avait été Carlos Menem, et l’aventure s’était conclue par l’insurrection populaire de décembre 2001. Vingt années c’est long, et si le peuple argentin ne voit pas de résultats à court et moyen terme, les plans de Macri finiront comme ceux de Menem.

A cela près que les masses ouvrières et populaires ont désormais en leur faveur deux choses qui n’existaient pas en 2001. D’abord, une riche tradition d’auto-organisation, fruit de toutes les expériences intervenues depuis seize ans. Ensuite, le fait qu’il y ait aujourd’hui une issue politique possible à travers le Front de la gauche et des travailleurs.

Virginia de la Siega

 

  • 1. La dette publique française est bien supérieure, comme celle d’autres pays « développés ». Mais on ne peut pas comparer les taux de dette de pays impérialistes et ceux de pays dépendants. La Banque mondiale estime qu’à plus de 20 % de dette extérieure, un pays « en développement » voit ses perspectives de croissance sérieusement compromises. Le taux de plus de 50 % atteint à nouveau dans l’Argentine de Macri est donc extrêmement problématique.
  • 2. https ://www.pagina12.com.ar/7062…
  • 3. « Primaires ouvertes simultanées et obligatoires », une pré-élection qui détermine dans chaque province les candidats ou listes autorisés à se présenter. Il faut pour cela obtenir les voix de 1,5 % des inscrits. Cette année, les PASO s’étaient tenues le 13 août.
  • 4. L’Association mutuelle israélite argentine (AMIA) avait été la cible, le 18 juillet 1994, d’un attentat à la voiture piégée qui avait fait 85 morts et 300 blessés. C’est l’attentat terroriste le plus meurtrier jamais commis en Argentine. L’Etat est soupçonné d’avoir couvert, sous la présidence de Menem, ces faits planifiés par l’Etat iranien et exécutés par le Hezbollah. Alberto Nisman était le procureur chargé en 2004 de rouvrir l’enquête. Il a été retrouvé mort à son domicile en janvier 2005, la veille du jour où il devait déposer devant le Congrès national en présentant des preuves accusant tant le gouvernement Menem que celui de Cristina Kirchner de complicité avec le régime iranien (apparemment, pour des raisons liées à des accords commerciaux et d’investissements).
  • 5. En Argentine « la gauche » désigne essentiellement l’extrême gauche, en majorité trotskyste et dont la principale expression électorale est le FIT.