Le renforcement de la droite de Mauricio Macri lors des élections présidentielles de dimanche dernier en Argentine n’est que la conséquence logique de la longue marche kirchnériste vers la modération. Dans le contexte d’une élection polarisée, le Front de gauche et des travailleurs (FIT) obtient le meilleur score de l’extrême gauche dans une élection présidentielle.
Un cycle politique vient de s’achever en Argentine, celui du kirchnérisme. Après avoir joué dans un premier temps un rôle de contention de la colère populaire qui s’était exprimée dans les rues en 2001, il s’est transformé peu à peu en gouvernement de « restauration » du régime politique. La candidature de Daniel Scioli, héritier politique du libéral Carlos Menem, est le résultat « naturel » de cette évolution. Dans un contexte de forte dégradation de la situation, la candidature du péroniste dissident Sergio Massa venait compléter une sorte de « triangulaire de l’austérité ».
Dans ce panorama, une part importante de l’électorat a perçu qu’il n’y avait pas de différences substantielles entre les trois principaux candidats. Face à cette configuration des principales forces politiques, une bonne partie de l’électorat s’est déplacée en direction du représentant le plus authentique de la droite. Ce faisant, l’électorat a sanctionné au passage ceux qui, de près ou de loin, traînaient comme un boulet leur rapport au kirchnérisme, à savoir Scioli, qui est le dauphin de la présidente, et Sergio Massa, qui a longtemps été un très proche collaborateur de Kirchner au point d’en être le Premier ministre.
Préparer la riposte contre les attaques à venir
Ce qui a fini par s’imposer, c’est donc une sorte de « polarisation » basse entre Scioli et Macri, tournant tous deux autour de 35 % des voix, Massa se maintenant aux alentours de 20 %. Ces derniers jours, la démagogie classique des candidats s’est combinée à différents messages poussant au « vote utile » soit contre l’un, soit contre l’autre. Scioli a appelé au « vote utile pour éviter que la droite ne gagne », en se présentant de façon démagogique comme « le moindre mal », voire comme la « seule alternative » pour ne pas perdre des acquis sociaux. De son côté, Mauricio Macri a appelé également au « vote utile » dès le premier tour, de façon à « forcer » l’organisation d’un second round de scrutin dans une tentative de se hisser en s’appuyant sur rejet du pouvoir en place.
Dans le cadre de cette polarisation, le résultat obtenu par le Front de gauche et des travailleurs (FIT), avec le jeune député du Parti des travailleurs socialistes (PTS) Nicolas del Caño, acquiert une autre tonalité. Tout d’abord, le FIT améliore légèrement son score des primaires d’août (en passant de 732 000 à 798 000 voix) au niveau des élections présidentielles. Il s’agit par ailleurs du meilleur résultat de l’extrême gauche dans une élection présidentielle depuis la fin de la dictature en 1983. Au niveau des élections législatives, de façon cumulée, le FIT dépasse le million de voix et élit un député supplémentaire, Nestor Pitrola du Parti ouvrier (PO). Enfin, il fait davantage que le centre gauche de Margarita Stolbizer.
Une fois de plus, l’unité des principales forces de la gauche trotskiste argentine porte donc ses fruits et réussit, même dans un contexte difficile, à apparaître davantage comme une alternative aux différentes variantes de l’austérité que la gauche réformiste. Cela devrait être un point d’appui pour continuer à accroître son influence politique parmi les travailleurs et pour préparer la riposte contre les attaques qui viendront, quel que soit le vainqueur du second tour de ces élections.
Daniela Cobet et Fernando Rosso